Olivier Frébourg est un ces auteurs qui savent faire rêver. Un homme à la mer en est la démonstration parfaite.
Promenade dans un village de l’île d’Oléron. Je tombe sur le livre d’Olivier Frébourg, Un homme à la mer (2004). Après une carte postale sur Louis Brauquier, ça se tient. Olivier Frébourg est né en 1965 à Dieppe. J’ai passé une partie de mon adolescence dans ce port où les trains s’engouffraient dans le ventre des ferrys direction Southampton. En 1989, il a publié son premier livre, Roger Nimier. Trafiquant d’insolence, aux Éditions du Rocher. C’était un essai inspiré sur le plus turbulent des hussards, le fils spirituel de Paul Morand. Peu de temps après, je publiais ma bio de Philippe Sollers chez le même éditeur. C’était une maison audacieuse, dirigée par Jean-Paul Bertrand, un homme qui faisait des coups éditoriaux et donnait sa chance aux écrivains en herbe. Un homme à la mer est à la fois une autobiographie et une déclaration d’amour à la mer. Quoi de plus naturel, me direz-vous, pour un fils de capitaine au long-cours.
Les marins ont souvent horreur des océans qui sont capables de détruire leur existence en une poignée de minutes. Olivier Frébourg n’est pas marin – il est le fondateur des Éditions des Équateurs – mais il affectionne les ambiances maritimes. Il faut dire qu’elles ont beaucoup influencé les écrivains, à commencer par le plus brillant d’entre eux : Georges Simenon. Le livre de Frébourg se lit d’une traite, comme on avale un verre de rhum, le soir, quand la brume descend sur la jetée et que le phare du coin jette un éclairage intermittent sur le naufrage de nos amours. Frébourg écrit : « L’une des situations idéales de la littérature est une conversation de bar, la nuit, dans un port entre un homme et une femme ». C’est parfois un soliloque face à un miroir qui brille comme celui d’un bordel. Il faut également savoir appareiller, rappelle Frébourg, pour « fuir la mort qui rôde autour de nous ». On voyage beaucoup et loin dans son journal de bord. On rencontre des écrivains, qui sont plus que des écrivains, puisqu’ils nous accompagnent dans nos périples hasardeux. J’ai cité Morand, mais on croise aussi Bernard Frank – belle citation extraite des Rats – Jim Harrison, Pierre Schœndœrffer, André Breton, Louis Aragon et Nancy Cunard, Jean-Luc Coatalem, Antony Palou…
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Frébourg cite Hergé et quelques-uns de ses albums, notamment L’île noire. Il révèle que le père de Tintin n’a jamais mis les pieds en Écosse. Mais c’est ce qu’il faut faire : créer. L’artiste n’est pas là pour reproduire. Il y a une magnifique description de Lisbonne, la ville de Pessoa. La fille de l’Americano y est sans doute pour quelque chose. La fin du chapitre est poignante. Certaines phrases de Frébourg font mouche. Exemple, à propos des danseuses de tango : « Et quand je pense aux femmes tango, à leur souveraineté, je ne peux m’empêcher de les comparer à nos trentenaires mordantes qui veulent arracher un lambeau de pouvoir ». Ou encore : « Les ports sont des mondes verticaux, qui plongent au cœur de la vie. […] Mes voyages portuaires n’ont été qu’une débauche pour échapper au nouvel ordre mondial ». Et encore : « Je ne recherche pas un équilibre – notion physique à laquelle je n’ai jamais cru –, je veux simplement respirer une nature qu’on nous escamote ».
La mer, c’est retrouver l’origine du monde. Ça n’a pas de prix.
Olivier Frébourg, Un homme à la mer (Mercure de France, 2004).
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