L’Eglise défend les chrétiens d’Orient


L’Eglise défend les chrétiens d’Orient

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Cher M. Hongre,

Je comprends votre indignation à la lecture de tant de discours de nonces apostoliques relatés ou retranscrits par L’Osservatore romano. On les imagine sans peine verser des larmes de crocodile sur les malheurs des immigrés ou faire des professions de foi en islamophilie. Seulement, vous ne vous appuyez que sur ces références pour brocarder la faiblesse présente de l’Église catholique face à cette islamisation galopante. Je crains qu’il n’y ait une erreur de perspective, ce qui m’oblige à vous donner mon sentiment en ciblant notamment deux affirmations tirées de votre article.

1)« Personne ne semble s’étonner de cette incroyable passivité [des nonces apostoliques s’exprimant à l’ONU] ». Pas si sûr. Rappelez-vous l’initiative prise par celle-ci lorsque les États-Unis d’Amérique appuyés (!) par la France et la Grande-Bretagne ont envisagé d’organiser des frappes « sélectives » sur le territoire syrien à l’été 2013 sous prétexte que le régime du président Assad aurait en sa possession un stock d’armes illicites. N’oubliez tout de même pas que le pape François sur la foi de ce qui lui ont relaté ces nonces apostoliques visés plus haut s’est pris en main pour écrire aux dirigeants des pays les plus riches de la planète. Ainsi leur a-t-il demandé de faire pression sur ces trois pays agresseurs pour les conduire à de « meilleurs sentiments ». Cette initiative du Saint-Siège n’a-t-elle pas immédiatement touché son but, c’est-à-dire éviter à la Syrie de tomber dans un chaos profond, au moins pour un temps ?

2)« La grande leçon de ces derniers mois, c’est que l’Église ne se révoltera pas ». Il me semble pourtant que des initiatives ont été prises en Europe et en Amérique du Nord par des associations caritatives se réclamant du catholicisme. Celles-ci n’ont-elles pas organisé des manifestations, fait signer des pétitions, alerté des parlementaires et des gouvernants, sans parler des initiatives individuelles prises par des évêques (en France, celui de Lyon et celui de Fréjus) pour obliger les dirigeants de nos pays démocratiques à venir en aide aux chrétiens menacés du Proche-Orient ? Ces initiatives sont revendiquées à juste titre par l’Église catholique pour des raisons que j’expliquerai plus loin. Certes, les médias audiovisuels n’ont pas relayé ces initiatives. On se doute pourquoi.

Pourtant, j’en conviens volontiers, si l’on met bout à bout les déclarations de ces responsables de la diplomatie du Saint-Siège, on reste stupéfait de ce tropisme onusien qui voudrait nous faire croire que le monde contemporain est en voie d’unification et va accueillir dans la joie, la paix et la bonne entente, la formation d’un gouvernement mondial. Pire encore : ces déclarations vaticano-onusiennes veulent nous persuader « urbi et orbi » que l’islam est une religion de paix, comme sont supposées l’être toutes les autres religions, le catholicisme, en passant et nous ne sommes pas loin d’une supercherie intellectuelle, soutenue par des « gens d’Église » (Jeanne d’Arc) qui voudraient nous persuader ainsi qu’ils n’ont pas ouvert un seul livre de théologie pour la justifier.

Certes, ces diplomates mondains et superficiels déguisés en nonces ne sont pas les seuls à mettre en cause. Que penser par exemple de ces faibles effectifs actuels de catholiques « modérés » entreprenant, en France, des démarches citoyennes pour venir en aide de leurs frères d’Orient ? On est bien loin des bataillons de manifestants et la logistique apportée par l’UMP déguisée en « Manif pour tous », qui demandèrent il y a peu que soit respectée par la loi une institution multiséculaire qui est celle du mariage : un échec retentissant couru d’avance, ce qui n’est pas étonnant : ces catholiques en bataillons « impressionnants » (dixit M. Hollande) n’ont choisi de défiler qu’à condition de ne pas se montrer trop indépendants en prenant bien soin, dans leurs slogans inoffensifs de ménager M. Sarkozy pour les prochaines présidentielles. Ah ! la belle conscience politique que voilà, histoire de s’assurer, en votant Sarkozy (ou Juppé, Wauquiez ou Lemaire) que leurs enfants pourront continuer à s’inscrire dans des écoles de commerce puis entrer dans des entreprises sans éthique des affaires et dans des écoles d’ingénieurs où règne une science sans conscience[1. Vous remarquerez à cet égard que les associations de parents d’élèves des écoles catholiques, lesquels ont constitué le noyau majoritaire de la Manif pour tous  ne sont aucune émues de la suppression de l’enseignement des humanités, décidée il y a peu par le ministre de l’Éducation nationale. C’est vous dire jusqu’à quel point ces catholiques « modérés » bien propres sur eux aiment les sciences et le commerce !].

Cependant, on ne saurait se satisfaire d’une indignation affichée à l’égard de  comportements aussi lâches et complaisants dont les « gens d’Église » n’ont pas le pas le privilège. Si j’ouvre le catéchisme de ma communion solennelle (1966), je lis cette définition : .« L’Église catholique est la société des vrais chrétiens, c’est-à-dire des baptisés qui professent la foi et la doctrine de Jésus-Christ, reçoivent Ses sacrements et obéissent aux pasteurs établis par Lui ». Vous remarquerez déjà que cette définition mentionne en premier les chrétiens, sans autre titre que celui de baptisés… alors que les « pasteurs », eux (autrement dit, les évêques unis au pape), sont évoqués en dernier, venant en quelque sorte en appui aux baptisés ; de plus, cette définition ne parle pas de n’importe quels pasteurs, mais de ceux qui sont ainsi unis au Christ pour le bien de cette société. Il ressort de cette définition que l’Église catholique, réalité multiforme, voire un « mystère »[2. Comme l’explique très bien Pie XII dans son encyclique « Mystici Corporis » (1943)].

Il est important à cet égard d’insister sur cet aspect de « société liant les vrais chrétiens dans le lien de la charité » pour savoir quel est notre rôle, vous et moi, dans l’exercice quotidien de cette charité qui ne fut pas seulement celle du pape Grégoire VII, au XIème siècle pour maintenir cette société indépendante du pouvoir temporel malgré tant d’évêques réticents, mais aussi celle de Catherine de Sienne demandant instamment à un pape bien hésitant, après « l’épisode » d’Avignon, de prendre la tête d’une croisade en Terre Sainte ; plus près de nous, celle du colonel Stauffenberg qui, humilié d’avoir reconnu l’existence de massacres en masse, ceux des juifs pour commencer, choisit sans attendre  une éventuelle recommandation de l’épiscopat allemand, de conspirer avec des chrétiens convaincus, pas seulement catholiques en vue de renverser le régime politique qui fut responsable de tels crimes ; celle des « cristeros » qui, à peine soutenus par l’armée mexicaine et abandonnés par l’épiscopat, choisirent de se battre contre un régime laïc « pur et dur » déterminé à les éliminer socialement, voire plus sans affinités.

Oui, c’est tout cela l’Église catholique dans l’exercice de la charité, en société, à différents niveaux, quelles que soient les responsabilités de chacun. Vivons donc pleinement la réalité de ce mystère. Aussi, l’Église doit commencer par vous, par moi, et, avec intelligence et force de caractère (la « virtus » des anciens Romains), nous obliger à prendre à la lettre cette recommandation de saint Jean sur les exigences de la charité[3. Première lettre de saint Jean 4, 17 : et il s’agit bien d’un oriental pour être capable de l’écrire comme cela.].

Agissons alors à la manière de Robert Ménard, de Maître Jérôme Triomphe, de l’abbé Pagès, de Viktor Orban, de la marquise Virginia Coda Nunziante et de tant d’autres, ignorés délibérément du « journal de 20 heures ». Ils suivent ainsi les pas de ces prédécesseurs que je cite. Il y a donc un « après » à la Manif pour tous et un « off » aux communiqués de nonciature près l’ONU, Dieu merci, pour défendre dans la charité les chrétiens d’Orient et exprimer pleinement ce qu’est l’Église catholique. Cessons de penser à l’avenir conformiste de nos enfants et donnons-leur un bon exemple : celui de changer le cours des événements, loin de ces discours diplomatiques prononcés par des gens d’Église. Oui, « cherchez et vous trouverez ».

*Photo: Sipa. Numéro de reportage : 00710505_000012.



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est chargé de conférences en faculté de droit.

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