Matignon était vide et l’agora déserte…
« Pour que l’histoire se réveille, pour que le temps devienne soudain plus vif, surprenant, pour que les luttes reprennent avec davantage d’espoir, pour que l’ambiance change, s’aère, il faut aller voter pour les candidats de la Nupes » (Libération, 8 juin). La tribune d’Annie Duperey, Annie Ernaux, Robert Guédiguian, serments de Kouffar, promesses de limbes, n’ont pas suffi. Après 1924, 1936, 1945, 1981, 1997, pas de noces de Chypre pour la gauche. Pas de Matignon pour le César de la Canebière. Monsieur Brun a perdu la face, beaucoup de fidèles grognard.e.s, sa majorité absolue, mais reste au pouvoir. Il nous fend le cœur.
« L’ordre domine, la hiérarchie s’impose par une sorte de pesanteur. De jour en jour, cette violence sourde nous accable, l’autorité de quelques-uns désole, opprime ». Pour Annie, les ambianceurs de l’insoumission, Francs-Tireurs-Pipoles de l’armée des ondes, les avances sur recettes sont plus nourrissantes que les recettes d’avancées. Elisabeth Borne, droite comme un s dans ses bottines centristes, voulait sauver le pays « en modernisant le dialogue avec toute la société ». Elle nous le dit sans fard.
Tartarin de Mélenchon contre Mandrake
Le dernier mot est-il dit ? L’espérance doit-elle disparaître ? La défaite de la gauche est-elle définitive ? Non, car la Nupes n’est pas seule ! Elle a un vaste empire décolonial. Elle peut faire bloc avec les vegans, animalistes, animistes, Cuba, la Russie. Tout n’est pas perdu parce que cette lutte est une lutte mondiale. Des forces immenses n’ont pas encore donné : les hologrammes, les avatars, les sans-papiers, les Sahraouis, Pancho Villa, Sancho Panza, Zapata … Tout n’est pas perdu, parce qu’en 2027, Jean-Luc Zarate n’aura que 77 ans, l’âge du Général de Gaulle en 1967. « Sans la police tout le monde tuerait tout le monde et il n’y aurait plus de guerre. » (Jeanson)
Moi général Mélenchon, actuellement réfugié dans la République Autonome Populaire et Sociale du Donbass, j’invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en zone occupée par Macron ou Zelenski, ou qui viendraient à s’y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, j’invite les ingénieurs spécialistes des enregistrements vidéo, mathématiciens du recomptage des voix et supporters de Liverpool, à se mettre en rapport avec moi. Quoi qu’il arrive, la flamme de la Nupes ne s’éteindra pas. « Moins l’intelligence adhère au réel, plus elle rêve de révolution. » (Aron).
Sans programme, sans campagne, sans surprise et sans gloire, M comme Madrake trébuche, va devoir composer, réinventer des numéros de claquettes, danses du ventre parlementaires, « une forme d’ouverture et de souplesse ». Le garde des Sceaux est cool.
Après un mois de pouvoir (Saison 2) et cinq ans de surplace, la Première ministre, ses conseillers, Zig et Puce du brainstorming win-win, Bibi Fricoteurs, pigeons d’agile et marcheurs, sont à bout de souffle et à court d’hypnose… Sur le tarmac d’Orly, dans le train des partisans, bronzé comme un steward d’Air France, en route vers l’Est brutal et simple avec ses idées compliquées, Emmanuel Daladier a surfé en vain sur l’héroïsme des Ukrainiens, et en même temps, chez nous, sur l’union sacrée contre la chienlit. Vive le monde d’avant !
Tête de litote flottante entourée de feu et de fumée, M comme le Magicien d’Oz pas grand-chose est un maître de battologie spécialisé dans les combinazione et le business électoral. Vauban de l’extrême centre, c’est notre rempart contre la méchante sorcière de l’Ouest, Z le Maudit, Jean-Luc Castro. “La marée monte, Monsieur Tintin…”. Dorothy Borne, son gouvernement de Munchkins, hommes en fer blanc, épouvantails sans cerveaux, lions sans courage, se gargarisent de storytelling, formules creuses, interviews démagos avec des influenceurs bidon, TikToqués analphabètes. Belle Renaissance qui immole l’ENA, humilie le quai d’Orsay, qui déconstruit l’État, qui navigue à vue, à voile et sans valeurs, au gré des sondages ; une politique du chat crevé au fil de l’eau, guidée par Brigitte, Mimi Marchand, Nicolas Sarkozy et des cabinets d’audit… Le coq, pauvre oiseau plumé, cuit dans leur marmite infâme… Bon appétit Messieurs !
Matignon était vide et l’agora déserte…
En vain ils ont des mers fouillé la profondeur / Pour toute nourriture ils apportent des leurres… Encore un quinquennat de perdu, sans ambition ni réformes de fond. Quoi qu’il en coule, ne faisons rien, c’est plus prudent… Le grand guignol électoral, Lady X, les cowboys, les indiens, Davy Crockett contre Kit Carson, les cavillations dérisoires, chants désespérés des agrégés de Lettres ouvertes sur France Inter, n’abusent, ni n’émeuvent plus personnes.
La doxa rassurante, une sonate de Vinteuil consensuelle, pour piano et violons œcuméniques, voudrait que le rebond et le salut passe par l’Éducation, la Culture, les Lumières et le pourtousisme. Faut voir… Jamais le pays n’a compté autant de bacheliers, diplômés, enseignants, éducateurs, chercheurs, artistes, sociologues, activistes, progressistes et éclairés. Jamais les programmes éducatifs (de la maternelle au Collège de France) n’ont fait une part aussi belle à l’inclusion (intestinale, bio, citoyenne, de proximité), la diversitocratie, les traumas ante-post coloniaux, repentances. Jamais les classements PISA n’ont été aussi médiocres, l’obscurantisme, le fanatisme, les extrémistes, les complotistes, les dealers, aussi puissants et établis ; l’abstention électorale aussi forte, 54% ce 19 juin.
L’Encyclopédie pour tous ? L’affaire Caillasse. La revanche des dominés et des Misérables ? Javert : feukeu ! tarba ! Thénardier : enc. ! On ne combat pas les inégalités culturelles avec l’école numérique, l’écriture inclusive, la transformation des bibliothèques en ludothèques, le BAC Nord, Parcourstup, la sous-culture hollywoodienne de la bit.e (coin) génération, des ptérodactyles lucifériens attaquant les drones du roi Arthur… Crétins de trop… Il est temps grand temps de supprimer les réseaux sociaux et le monde d’après. Le suffrage universel est un danger pour la démocratie. La France, mère des arts martiaux, des armes et des hors-la-loi.
La grande illusion, la Cité vert émeraude, les cieux bleus où les rêves deviennent réalité, over the rainbow, c’est du cinéma. Le magicien d’Oz c’était en 1939. Jean-Luc Gamelin et Emmanuel Weygand trahissent, travestissent, prostituent les mots, le roman national, de Gaulle, les idéaux de la Résistance. Ils ont perdu la bataille de France de 2022 et ne sont pas prêts de regagner la confiance des abstentionnistes. Désabusés, les Français pleurent le pays qui sombre et se déchire, attendent sans illusions des jours propices, comme l’aspirant Grange, le lieutenant Drogo, le capitaine de Reixach. Pas de happy end dans Le Désert des Tartares, Un Balcon en forêt, La Route des Flandres, Sur les falaises de marbre ou Le Rivage des Syrtes.
« À tous il est permis — dans certaines limites — de parler ; à quelques-uns il est réservé de savoir » (Julien Gracq).