
Toutes les sociétés sont traversées par des conflits, et la mission de la politique consiste à les civiliser. Cette généralité vaut évidemment pour la France, même si, dans notre pays, la division a souvent pris des allures de guerre civile : entre « royalistes » et « républicains », « gauche » et « droite », « mondialistes » et « patriotes ». La cartographie électorale française dévoile d’ailleurs la persistance d’au-moins deux France : celles du Nord-Est et du Sud-Ouest, séparées par une frontière invisible allant de la Manche aux Alpes. Même Jules César, contemporain d’Astérix et Obélix, l’avait constaté, au point de commencer ses Commentaires sur la guerre des Gaules par ces mots : « Toute la Gaule est divisée… » Notre problème ne réside donc pas tant dans nos divergences d’intérêts et de points de vue que dans la manière dont s’organise la discorde. Or la discorde française est aujourd’hui très mal organisée.
Quoi qu’on pense du Front national et de Marine Le Pen, que leurs millions d’électeurs soient représentés par deux députés et deux sénateurs n’est pas seulement un scandale démocratique, c’est aussi un véritable handicap pour le pays. La surreprésentation des autres courants d’idées et de partis fantômes ne fait qu’aggraver la faible légitimité de la politique nationale. Ce manque de légitimité est sans doute le plus grave des déficits qui accablent la France. D’ailleurs, tous les autres déficits – dette publique, balance commerciale négative et budgets déséquilibrés de l’État – trouvent leur racine
