L’histoire de la Légion est inséparable de celle de la France. Ce corps d’élite régi par un code d’honneur compte plus de 8000 volontaires étrangers placés sous le commandement de 450 officiers français. Des guerres coloniales aux combats contre l’Etat islamique au Mali, ces durs à cuire sont unis par les mêmes idéaux, discipline, amour du chef et surtout : la mission quoi qu’il en coûte. Une grande famille avec ses rites, ses mythes et ses coutumes. Reportage d’Elisabeth Lévy au 1er REC à Carpiagne. Photos de Stéphane Edelson. (2/2)
Lire la première partie du reportage : Légion étrangère, le chant d’honneur

(Suite d’hier)
Bon an mal an, 7 000 à 8 000 personnes se présentent dans les bureaux de présélection de Nogent et d’Aubagne. En 2018, 1 200 ont été admis à Castelnaudary où les instructeurs ont quatre mois pour en faire des combattants qui sont ensuite affectés dans l’un des 11 régiments de la Légion – infanterie, génie ou cavalerie. Aujourd’hui, il y a pas mal de Sud-Américains, Brésiliens notamment. On compte aussi de forts contingents de Malgaches, de Népalais, d’Ukrainiens et même de Chinois, dont on imagine l’effort qu’ils doivent fournir pour apprivoiser notre langue. En effet, si une bonne condition physique est évidemment requise et développée par force exercices, c’est l’apprentissage du français qui transforme en frères d’armes des hommes dont les parcours, les imaginaires et les attentes sont par nature hétérogènes. La ritournelle des ordres, gestes, chants et rites qui rythme les journées fait office de cours de langue et de culture françaises.
Des soldats de 147 nationalités combattant ensemble pour un pays qui n’est pas le leur, c’est une sorte de prouesse anthropologique. Surtout si on rappelle que ce sont parfois les ennemis jurés de la veille. Au demeurant, aucun légionnaire ne peut être contraint de se battre contre les compatriotes. Pendant « Tempête du désert » (la première guerre du Golfe, en 1991), Rachid devenu Robert a demandé à rester en base arrière.

Et puis, il y a les questions religieuses auxquelles, ces dernières années, le commandement de la Légion est plus attentif. « Dès qu’ils parlent d’eux, ils parlent de religion », observe un officier qui auditionne les candidats. Le régiment comprend quatre aumôniers, protestant, orthodoxe, musulman et bien sûr le padre catholique, figure connue de tous. « Tous savent qu’ici, il n’y a pas de place pour les particularismes », poursuit l’officier. La liberté de culte passe après les exigences du service. Pas de menus spéciaux ni de dispense pour les fêtes religieuses. Au-delà des règles, le patrimoine culturel de la Légion est d’abord chrétien. Pour Noël, les légionnaires construisent une crèche. Il peut même arriver que ce soit un musulman qui porte l’Enfant Jésus.
Bien sûr, il y a des frottements, des blagues, des préjugés qui dans le civil feraient hurler au racisme et qui se règlent ici par une bière au club, les bars improvisés aux sièges des escadrons. Les Slaves n’aiment pas beaucoup les Noirs. Les Noirs s’entraccusent de racisme. « Nous devons lutter contre le communautarisme et le racisme », reconnaît l’officier. La recette doit marcher parce qu’au combat, ils se feraient tous tuer les uns pour les autres.

Il est vrai que la mondialisation a réduit les écarts culturels. « Il y a vingt-cinq ans, observe l’officier-recruteur, les Roumains, les Tchèques semblaient venir d’une autre planète. Aujourd’hui, ils
