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L’effondrement du régalien


L’effondrement du régalien
Des militaires de la Gendarmerie procédant aux opérations de recherche de Terry Dupin, Le Lardin Saint Lazare, Dordogne, le 30/05/2021. Image: capture d'écran YouTube

La France ou la banalité du pire…


Il y a une tentation de la vision désastreuse, je le sais bien, mais il arrive que la réalité ne la rende pas totalement absurde. Je confirme que depuis quelques jours – et cela culmine avec la chasse à cet ancien militaire lourdement armé en Dordogne – mon sentiment dominant est l’impression d’une banalité du pire qui met à mal la France. Et d’une impuissance d’autant plus aberrante que nos protecteurs sont à défendre et à protéger et que les valeurs sont inversées qui ménagent le coupable et négligent la victime.

Nous avions un président de la République qui nous avait promis de l’élégance et une parole rare. Cette dernière est devenue profuse, surabondante, tant sur le plan des analyses philosophiques (Zadig) que sur les sujets internationaux (JDD) par exemple. Plus on se rapproche de l’échéance de 2022, plus Emmanuel Macron ressemble à François Hollande que pourtant il n’aime pas : peut-être lui en veut-il de s’être laissé trahir si aisément ? Comme l’ancien président, il s’exprime sans cesse et même si sa parole ne constitue pas forcément un substitut à l’action, elle n’est pas loin de tomber dans des commentaires, souvent intelligents, mais qui ne rassurent pas sur l’énergie d’entreprendre à la tête de l’Etat.

La faiblesse du pouvoir

Le régalien demeure la faiblesse fondamentale d’un pouvoir qui a oublié une règle simple : les lois ne créent pas une confiance, elles la suivent et un Etat ne devient plausible pour la sécurité et la Justice que s’il ne les appréhende pas de manière opportuniste et sans avoir pris la peine de les faire assumer, au niveau du gouvernement, par des ministres solidaires, compatibles, sans que l’un d’eux soit par exemple chargé d’opérer une révision déchirante et absolue par rapport à ses convictions et à ses dénonciations d’hier.

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Chaque jour fait surgir des transgressions, des attaques, des crimes, terroristes ou non. Qu’ils soient le fait d’individus organisés, qu’ils résultent de malfaisances individuelles ou collectives en roue libre à cause de la certitude de leur impunité, qu’ils soient la conséquence de solitaires déséquilibrés à cause du monde qui les entoure, de leur propre malaise et de la facilité de s’abandonner au pire parce que police et justice sont désarmées.

Une débauche de moyens et de communication

Le Grand Jury sur LCI avec Guillaume Peltier a été reporté à 14 heures le 30 mai (avec ensuite une partialité hallucinante des journalistes – à l’exception de Guillaume Roquette). Ce décalage a été motivé par l’édition spéciale – une de plus – pour nous tenir en haleine au sujet de la poursuite, donc, de cet homme dangereux qui a tiré sur le compagnon de son ex-épouse. Son sort sera probablement d’être abattu ou de se supprimer tant il a démontré une détestation des forces de l’ordre prête à tout, confirmée encore par des tirs sur trois véhicules de gendarmerie et un hélicoptère.

Nombreuses banalités qui se répètent d’un drame à l’autre, d’un crime à l’autre, avec un immense appareil déployé. Préfet, GIGN, ancien directeur de la gendarmerie, psychologue basique, journaliste sur le terrain, maire, une médiatisation débordante ressemblant à celles du passé et annonçant celles, sur le même registre, de l’avenir. Une importance démesurée est donnée à cette effrayante banalisation du pire. Cet ancien militaire de 29 ans a déjà été condamné à quatre reprises pour violences conjugales.

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Pourtant on échappe à l’essentiel qui est tu. Condamnations trop faibles, exécution des sanctions défaillante, au point qu’on considère comme normale une sortie largement avant l’heure, peu de peines d’emprisonnement, des prisons dont on est libéré trop vite, des bracelets électroniques qui ne sont pas assez nombreux, qui marchent mal, qu’on peut arracher ou qui n’interdisent pas les violences familiales ou conjugales, la preuve multipliée qu’on peut formellement respecter les contrôles et pourtant commettre délits ou crimes. Ce sont ces dysfonctionnements structurels qu’il faudrait évoquer plutôt que nous éclairer sur les moyens techniques destinés à appréhender le fuyard.

La banalité du pire

On finit par les connaître par coeur, les yeux fermés. La banalité du pire. Pour ne pas y succomber, il faudrait au moins la satisfaction d’une double exigence qui concernera d’abord le terrorisme islamique. On n’opposera plus à une criminalité atypique et extra-ordinaire un état de droit ordinaire. On aura besoin de personnalités courageuses qui sauront satisfaire les attentes démocratiques en n’ayant plus peur de leur ombre et en s’imaginant que la moindre audace leur coûtera leur réélection.

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La France, aujourd’hui, s’achemine vers des élections régionales puis vers une élection présidentielle. Les vaccins font leur oeuvre de libération. Tout semble normal. En surface. Pourtant, dans les tréfonds, elle se délite peu à peu parce que la banalité du pire l’affecte, l’infecte et qu’il semble qu’on n’y puisse rien. Qui tente de résister à ce qui n’est pourtant pas une fatalité ?



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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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