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Alors, on lit quoi cet été ?

Ce qu'il faut mettre dans son sac de voyage...


Alors, on lit quoi cet été ?
Thomas Morales. D.R

Notre chroniqueur a sélectionné des livres qui ne parlent ni de cohabitation, ni de triangulaires. Au menu de cette bibliothèque des plages, du western à papa, du Don Quichotte de la Mancha, du Calder tourangeau, du Schönberg autrichien, du Vitoux des familles, du Mazzella de la chambre d’amour et du Stéphanie des Horts preppy.


Drame à Cape Cod

Stéphanie des Horts est une romancière d’investigation. Un profil rare dans le paysage éditorial français. Son terrain de chasse : les « Happy few » comme on disait dans les années 1980. Elle ne s’intéresse pas au tracas de la ménagère du coin de la rue ; elle fouille, elle observe, elle décrypte, elle lève le voile sur les « grands » de ce monde, têtes couronnées, magnats du pétrole, armateurs billionnaires, tycoons des médias et mannequins ébréchées. Pourquoi aime-t-on se plonger dans les sagas chaudes et désaxées de cette Barbara Cartland pétroleuse aux vrais dons littéraires ? Parce qu’elle a l’œil de l’écrivain, une plume qui accélère, une tendresse pour les enfants gâtés, une attirance pour les romances fracassées et qu’elle s’appuie sur une très riche documentation sans que son lecteur le remarque. C’est en refermant son dernier roman sur la malédiction Kennedy que l’on se rend compte à quel point elle a réussi à trouver une vérité dans cette histoire entre le fils de Kennedy et Carolyn Bessette. Deux « beautiful people » en proie aux cris et aux larmes. Il fallait tout le talent de Stéphanie des Horts pour approcher ces deux-là, trop beaux, trop riches, trop lumineux pour espérer décrocher une minuscule parcelle de bonheur. Un roman qui sent la pop music de Madonna, le style Ivy League de Ralph Lauren et le glamour frelaté d’une fin de siècle aux US. Stéphanie ne serait-elle pas notre Bret Easton Ellis en talons de douze centimètres ?

Caroline et John de Stéphanie des Horts (Albin Michel)

Carolyn et John

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Boudard au ranch

François Cérésa n’a jamais quitté le terrain de l’enfance. Il suffit de voir sa longue silhouette sur le boulevard Saint-Germain, décomplexée, provocatrice et désenchantée ; beau mec prêt à dégainer sa Winchester si le premier malotru croisé lui parle mal. Cérésa est un bonhomme à l’ancienne, un écrivain des plaines sauvages, franc-tireur littéraire qui déteste notre époque lessivée aux bons sentiments. Cérésa comme tous les gamins des années 1950 n’avait pas l’ambition de vivre comme un « petit » technocrate satisfait ou un politicien tambouilleur. Il voulait canarder, rêver plus haut, bourlinguer et se tenir tête haute. Cérésa aime les causes perdues, le panache plutôt que le déshonneur. Alors, il enfile ses bottes mexicaines, chevauche un Mustang et nous fait l’éloge du western de papa. « Il est nazebroque » écrit-il de ce cinéma à la Gary Cooper, John Wayne, Burt Lancaster, Lee Marvin ou Robert Mitchum. Il sort son colt pour défendre cet espace de liberté qui serait jugé aujourd’hui trop archétypal dans une société qui a peur de son ombre. Cérésa dégaine avec une langue harponneuse, pleine de hargne et de drôlerie. Après l’avoir lu, on a juste envie de se faire une toile.

Total Western de François Cérésa (Séguier)

Total Western - une chevauchée fantastique à travers un siècle de cinéma

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Quoi de neuf ? Cervantès !

Don Quichotte, antihéros, fondateur du roman moderne, usurpateur, bambocheur, romantique sarcastique, fou ou illuminé ? Nous avons tous besoin d’une séance de rattrapage, un « reset » sur les idées préconçues ; le chevalier errant dépenaillé est toujours plus ou autre chose. On projette sur lui nos peurs et nos insuccès. Il nous fallait donc un professeur au Collège de France, une sommité, titulaire de la chaire Littératures comparées, pour approcher ce fier hidalgo cabossé. William Marx nous pose une quarantaine de questions sur ce drôle d’animal et il y répond avec un humour britannique, ne dédaignant pas le contrepied et la farce. Il s’interroge sur le corps de Don Quichotte, sur sa naissance, sur son apport à la langue française, sur son féminisme, sur sa rencontre avec Shakespeare et même, audace suprême, cet universitaire ne recule décidément devant aucune pochade (très) érudite sur la possibilité que Don Quichotte prenne le nom de François Pignon. C’est abyssal donc indispensable sur la Costa Brava ou dans une maison de famille du Perche.

Un été avec don Quichotte de William Marx (Équateurs parallèles)

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Mobiles en Touraine

L’été, on baguenaude, on renifle cette campagne française, on communie avec cette province qui fait rire à la capitale. On reprend pied avec son pays. La Touraine, élixir de jouvence, creuset de la langue française, recèle mille merveilles à celui qui veut bien décrocher de ces virtualités accaparantes et oublier l’actualité mortifère. Imaginer Calder est une balade dans cette belle région, nous sommes guidés par une tourangelle, elle est née à Chinon, à la plume délicate, qui ne se hausse pas du col et dont la musique s’infiltre en nous, naturellement, comme le lit d’une rivière. Au départ, nous n’avions aucun intérêt ou désintérêt particulier pour l’œuvre d’Alexandre Calder. Bien que berruyer de naissance, j’ai vu toute mon enfance, son stabile (caliban) dans le hall de la maison de la culture de Bourges, inauguré par Malraux et le Général. Géraldine Jeffroy nous raconte la vie d’un Américain, sculpteur international, qui a vu le jour en Pennsylvanie mais qui va acheter la maison de François Ier à Saché en 1953 et qui y vivra plus de vingt ans.

Imaginer Calder de Géraldine Jeffroy (arléa)

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Et s’il vous reste encore de la place dans votre sac de voyage, il faut absolument emporter Le Satan (Bach ?) de la musique moderne de Gemma Salem publié chez Serge Safran éditeur. Il s’agit du dernier texte inédit écrit par cette écrivaine de haut vol, enfiévrée et percutante, disparue à Vienne en 2020 qui fut une grande spécialiste de Thomas Bernhard. C’est remarquable de concision et de vigueur dramatique sur le compositeur autrichien Schönberg. Ne pas oublier L’Ami de mon père de Frédéric Vitoux qui reparaît en format poche chez Points avec une préface inédite de Frédéric Beigbeder. Roman d’apprentissage sur ce père qui fut emprisonné à Clairvaux à la Libération, déchirant et initiatique, sans graisse, ni pathos, avec une forme d’élégance filial. Et enfin, l’un de mes chouchous, le basque Léon Mazzella qui nous offre un roman Belle perdue aux éditions Cairn, sorte de Dolce Vita Biarrotte aux sentiments juteux et à la construction inventive, j’y ai vu des traces modianesques de Villa Triste.

L'Ami de mon père

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Belle perdue

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Monsieur Nostalgie

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À paraître le 19 septembre :

Les Bouquinistes

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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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