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On lit quoi cet été?

Une sélection de Thomas Morales pour la plage


On lit quoi cet été?
Image d'illustration Unsplash

Des romans, des essais et des récits vintages pour supporter la foule et la canicule


Un été sans livres, c’est comme une élection sans abstention record. Un conseil des ministres sans couacs, une régionale sans front républicain, une tambouille électorale sans cuisine au woke. Notre identité balnéaire se niche dans nos lectures estivales. Dis-moi ce que tu lis, je te dirai quel vacancier tu es ?

Sur la plage, à l’épaisseur des romans posés sur la serviette, on mesure notre degré d’indifférence ou d’appartenance au monde « civilisé ». Sous le parasol, la littérature se prélasse à la fainéante, à la traînarde même, l’esprit captivé par les naïades en monokini et ce marchand de chouchous qui crie à chacun de ses passages. Le topless aura été un plus grand fléau pour l’apprentissage de la lecture en plein air qu’une émission télé où des auteurs professent un progressisme bon teint. Le livre sert plus souvent à lester notre sac à dos et à nous donner bonne conscience.

A lire aussi, Pascal Louvrier: Gide, l’oublié

Zeste d’interdit et de nostalgie

Les enfants ont leurs cahiers de vacances, les adultes ont acheté, à la dernière minute, un bouquin afin de ne pas plomber nos statistiques nationales. Faire illusion, voilà notre destin depuis un certain temps. On a dévissé dans tous les classements internationaux, Pisa et Euro de foot, il ne s’agit pas de passer pour les illettrés de service. Faire croire que notre nation jadis fille ainée de la littérature, n’a pas sombré dans la société de l’image. Il y a ceux qui n’arrivent pas à décrocher de l’actualité politique, ceux qui recherchent l’évasion dans l’horreur, ceux qui veulent du suspense, de l’amour défendu, de la génuflexion ou de la réaction, je vous propose quelques titres qui ne prétendent à rien de tout ça. Ni à vous élever spirituellement, ni à vous enrichir culturellement. Des livres de plaisir solitaire, de farniente, gorgés de soleil ou d’amertume, avec parfois un zeste d’interdit ou de nostalgie ; des livres qui n’ont pas vocation à endoctriner ou à remplacer nos maîtres ; des livres qui ne servent à rien, sinon à se sentir moins seul.

Le critique que je suis est même de trop entre le livre et vous, cher.e.s lecteur.rice.s, un simple passeur, tout au plus, sûrement pas un prescripteur, quel gros mot, alors mieux vaut laisser aux auteurs morts le soin de se charger eux-mêmes de leur promotion. L’extrait (court) que j’ai choisi devrait suffire à vous alpaguer, à vous harponner, à susciter chez vous, l’irrépressible besoin d’acquérir cet objet fait de papier et de caractères d’imprimerie. Vous connaissez ma tentation naturelle pour les « vieilleries », mon humeur se dirige, malgré moi, vers les caisses des bouquinistes. Les oubliés et les obscurs sont mes amis pour la vie. Malgré son obsolescence programmée, je trouve à l’objet papier encore pas mal de sex-appeal !

A lire aussi, Jérôme Leroy: Jacques Sternberg, ou l’inquiétude

Ramatuelle de Pierre Bourgeade – collection Souple éditions Tristram     

« Si j’essaie de revenir en arrière, avant cette fatale semaine, je ne vois rien qui ait pu me faire présager, ou pressentir même, ce qui allait arriver. Je n’ai eu ni angoisses, ni inquiétudes. Je n’ai pas été nerveuse. »

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Ma famille et autres animaux de Gerald Durrell – Trilogie de Corfou – La Table Ronde

« Juillet avait été soufflé comme une chandelle par un âpre vent annonçant un ciel d’août couleur de plomb. Une pluie fine et pénétrante s’enflait en voiles gris et opaques lorsque le vent la poussait. »

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La solitude du satyre d’Ennio Flaiano – Le Promeneur

 « Je travaille avec Fellini et Tullio Pinelli, à épousseter une de nos vieilles idées de film ; celle du jeune provincial qui vient à Rome pour être journaliste. Fellini veut l’adapter aux temps qui courent, tracer un portrait de cette « société des cafés » qui papillonne entre érotisme, aliénation, ennui, et une soudaine aisance. »

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Les Bucoliques de Virgile traduites en vers français par Marcel Pagnol – Éditions de Fallois

« C’est l’heure étincelante où la brebis laineuse

Recherche l’ombre fraîche au profond des fourrés,

Et le grand lézard vert, sous la ronce épineuse,

Pour fuir le dur soleil ferme ses yeux dorés »

La maison d’été de René Guy Cadou – Le Castor Astral

« Ç’a été sous un pommier, un peu avant la ferme. Je m’allongeai le premier dans l’herbe et Bertine vint se coucher près de moi. La terre avec un goût d’églantine, des oiseaux passaient au-dessus de nos têtes sans qu’on pût les voir et les étoiles se répondaient là-haut, dans la lande du ciel, comme des feux de chaumières. »

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Ardinghera de Régis Messac – La Grange Batelière

« L’immense hall de la gare Saint-Lazare bourdonnait de bruit, de fumées et de cris. Le sifflet des locomotives, le grondement sourd des trains, le roulement des wagonnets chargés de bagages mêlés à la gigantesque rumeur d’une foule noire et grouillante montaient vers les verrières encrassées pour s’y confondre en une houle confuse. »

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Le Flâneur salarié d’Henri Béraud – Bartillat

 « Le jour est proche, peut-être, où les foules, et même les élites, sentiront l’ineffable poésie de la réalité. Alors seuls dans la ville, les raconteurs d’histoires seront écoutés, qui auront vu ce que l’homme a cru voir. »

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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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