L’écrivain et son turbin
Comment vit un écrivain professionnel quand il n’a pas la chance de voir un de ses romans adaptés pour la télévision ou quand il ne reçoit pas des piges somptuaires de Causeur ? Il lui reste cette invention récente : l’atelier d’écriture.
L’atelier d’écriture consiste à être invité par une collectivité quelconque, en général à vocation sociale ou éducative (écoles, collèges, centres fermés pour mineur, prisons) et à faire écrire un groupe donné sur un sujet donné. Il ne faut surtout pas confondre l’atelier d’écriture avec le cours de français. Il s’agit plutôt d’un moment qui oscille entre la thérapie de groupe, le grand n’importe quoi et, parfois, la poésie pure.
[access capability= »lire_inedits »]Chefdeville, (pseudonyme d’un auteur connu de polar), raconte dans L’Atelier d’écriture, sur un mode ironique et rabelaisien, ses tribulations autobiographiques d’écrivain dans la dèche, auteur d’un unique polar paru à la Scierie noire (!), qui survit en faisant écrire à des apprentis boulangers et autres élèves de chaudronnerie des histoires aussi noires que sa vie et que la leur. L’Atelier d’écriture est pourtant un des livres les plus franchement drôles du moment et, l’air de rien, photographie sous un angle inédit une France des périphéries un brin désorientée.
L’été sera chaud
André Pieyre de Mandiargues aurait eu cent ans cette année. La collection Quarto, qui est chez Gallimard une manière d’antichambre de La Pléiade, réédite pour l’occasion un bon nombre de textes les plus représentatifs d’une œuvre qui est, avec celle de Gracq dont il était l’exact contemporain, un des plus beaux surgeons du Surréalisme. Quand Gracq explorait le rivage des Syrtes, Mandiargues, lui, préférait se perdre dans une autre géographie, celle des corps dont il rendit compte avec une sensualité hautaine et une écriture lancinante comme le plaisir. Sous le parrainage assumé du théâtre élisabéthain, des romantiques allemands, de Poe et d’un certain sadomasochisme nippon, Mandiargues est peut-être tout entier dans la nouvelle intitulée Le Passage Pommeraye, lieu dont on connaît l’importance pour Breton, Vaché et les surréalistes. C’est une des premières qu’il a publiée, en 1946, dans le recueil Le Musée noir. On y voit les noces entre la monstruosité, le sexe et la mort dans un climat pourtant étrangement attirant.
André Pieyre de Mandiargues avait eu le Goncourt en 1967 pour La Marge, roman d’une errance dans la Barcelone des années franquistes où un homme décidait de se perdre après avoir appris, presque par hasard, la mort de sa femme. Si ce roman ne figure pas dans cette édition, on pourra néanmoins retrouver Le Lis de mer, récit balnéaire et sicilien de l’initiation sexuelle programmée d’une jeune fille ou encore La Marée, une nouvelle du recueil Mascaret, adaptée par Walerian Borowicz dans ses Contes immoraux (1974) et qui raconte comment un jeune homme initie une camarade de jeu à la fellation dans les rochers et attendra, pour se répandre dans sa bouche, que la marée soit complètement haute. Un écrivain, comme on le voit, hautement recommandable.
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