Accueil Société Le « multicul » a échoué partout, et c’est tant mieux !

Le « multicul » a échoué partout, et c’est tant mieux !


Le « multicul » a échoué partout, et c’est tant mieux !

Après Angela Merkel, après le Premier ministre britannique David Cameron, Nicolas Sarkozy a donc, à son tour, prononcé l’échec du multiculturalisme, s’attirant la réprobation des belles âmes qui n’ont entendu qu’une diversion islamophobe, autrement dit une façon un brin dégoûtante de surfer sur la peur suscitée dans une partie de l’opinion non pas par l’islam comme religion mais par les revendications identitaires d’une partie de nos concitoyens musulmans. Même l’excellent Guillaume Erner, subtil commentateur des médias sur France Inter qui me fait l’amitié de venir croiser le fer ici-même, estime, en invoquant le philosophe canadien Charles Taylor, que le multiculturalisme est la colonne vertébrale de nos sociétés et qu’y renoncer, ce serait aussi renoncer aux « escarpins taille 43 des drag-queens » et aux panneaux de signalisation en basque – ce qui d’ailleurs, ne peinerait pas plus que cela la jacobine que je suis.

Peut-être Nicolas Sarkozy n’a-t-il pas lu Taylor avec suffisamment d’attention. Cette polémique montre en tout cas qu’il est nécessaire de s’entendre sur le sens d’un mot lourdement piégé. Le multiculturalisme au sens où l’a employé le président n’est pas la diversité culturelle qui fait depuis longtemps partie de la vie et des valeurs des sociétés européennes, mais une modalité particulière du « vivre-ensemble » dans laquelle ce ne sont pas les individus mais les groupes ou communautés qui s’intègrent à leur pays d’accueil, chacun pouvant non seulement conserver des singularités mais aussi jouir de droits spécifiques allant jusqu’à des tribunaux particuliers comme en Angleterre où il existe des cours islamiques et rabbiniques. Au demeurant, contrairement à la Hollande ou à la Grande-Bretagne, la France n’a jamais adopté ce modèle d’intégration et si des tensions se manifestent aujourd’hui autour de l’islam, c’est précisément parce que le multiculturalisme s’impose sans que nous l’ayons voulu.

À défaut d’avoir une réponse simple, la question peut-être posée simplement. Quelles sont les différences que nous acceptons et quelles sont celles que nous rejetons parce qu’elles sont contraires à nos mœurs ? Où s’arrêtent les arrangements raisonnables, où commencent les accommodements déraisonnables ? Il s’agit de définir un équilibre subtil entre tolérance et exigence, compromis et interdit. Que les femmes portent des boubous, des mini-jupes ou des saris, que les Français mangent du couscous ou des cuisses de grenouille, qu’ils pratiquent ramadan ou kippour, non seulement cela ne gêne personne mais cela participe à l’enrichissement par la différence. Mais nous ne pouvons tolérer que des gens soient contraints de faire ramadan ou kippour, que les piscines prévoient des horaires séparées pour filles et garçons ou que les femmes soient cachées sous leurs burqas, parce que la liberté de pensée et la mixité sont au cœur de notre monde commun.

Au bout du compte, le multiculturalisme, c’est le règne du « c’est mon choix » – ou plutôt celui de ma communauté. Devrait-on, à ce compte-là, accepter qu’une femme promène son ami en laisse comme on l’a vu aujourd’hui à Carcassonne ? Sous les atours séduisants de la tolérance, une société dans laquelle chacun, ou plutôt chaque groupe, ferait ce qui lui plait, ne serait plus une société mais un agrégat d’individus et de clans promis à la guerre de tous contre tous.



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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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