Des éditeurs français ont donc décidé de suivre les « corrections » politiquement correctes que les Anglo-Saxons imposent à des œuvres écrites il y a des décennies, celles de Ian Fleming, Roald Dahl ou Agatha Christie — avec la bénédiction des héritiers avides de se concilier les bonnes grâces des nouvelles générations. Notre chroniqueur n’a qu’un mot pour désigner cette censure préalable: fascisme. Un Point Godwin pour lui !
Fin juin 1940, juste après la visite d’Hitler au Panthéon, l’Académicien Abel Bonnard prononça à la Sorbonne une conférence sur l’Art classique. Paul Léautaud note dans son journal qu’il en profita pour « exprimer l’espoir que l’ère des « romans morbides et donjuanesques soit à jamais close ». » Et de commenter : « Ce sot, qui n’a jamais écrit que pour ne rien dire, en poussant plus avant son point de vue, censurerait sans doute aujourd’hui la déclaration de Phèdre à Hippolyte comme attentatoire à la saine morale. » C’était préparer la « liste Otto », qui répertoriait ce qui était publiable, et ce qui ne l’était pas.
Rappel pour ceux qui n’étaient pas là à cette époque. Bonnard était Académicien, et sera ministre de l’Education du gouvernement Laval. On le surnommait « gestapette », eu égard à des mœurs qu’il cachait mal. Léautaud note, en juin 1943, que Bonnard, en sa qualité de ministre « vient d’inviter les examinateurs à être indulgents pour les étudiants dans leurs examens. Excellente mesure. Il n’y a pas assez de cancres à diplômes. Il y en aura davantage. » Il faut savoir que la dérive des notes a commencé sous Vichy. Les profs qui s’y adonnent sous prétexte que l’Inspection Générale le leur demande sont, à la lettre, des collaborateurs.
Bonnard s’enfuit à Sigmaringen à la Libération, puis en Espagne, où il mourut en 1966. Les gouvernements gaulliste, giscardien et mitterrandien, tout en affirmant à juste titre que Vichy n’était pas la France, ont pieusement conservé sa photo dans le grand escalier de la rue de Grenelle, où s’affichent les binettes de tous les ministres depuis les débuts de la IIIème République. C’est François Bayrou qui le fit supprimer à son arrivée au ministère en 1993.
Léautaud note que « Abel Hermant a été solidement conspué par de jeunes étudiants lors de sa conférence à la Sorbonne ». Aujourd’hui, son homologie woke serait acclamée. Pour peu qu’il ait ajouté « écologiste » à sa caractérisation des œuvres espérées, il serait porté en triomphe.
A relire: Abel Bonnard, éternel «Gestapette»
Patrice Jean, qui dans L’Homme surnuméraire imaginait ce qui arriverait à Céline si on coupait dans ses œuvres tout ce qui peut offusquer tel ou tel segment du crétinisme national, a ici même analysé le rôle castrateur des « sensitivity readers » chargés d’éliminer tout ce qui défrise les uns et offense les autres. Il explore à fond les conséquences littéraires d’une telle censure préalable, et je n’y reviendrai pas.
Mais je voudrais dire deux mots de ses implications politiques.
Parce que les wokistes, les censeurs, les père-la-morale de 18 ans ne se contentent pas d’être de consternants imbéciles. Ce sont en fait des fascistes.
Fascistes, les organisations syndicales — SUD, pour ne pas le nommer — qui organisent des réunions organisées « en non-mixité raciale », en 2017.
Fascistes, les étudiants (les talibans aussi sont « étudiants ») qui ont empêché une représentation des Suppliantes d’Eschyle en 2019 sous prétexte de black face.
Fascistes, ceux qui ont empêché Sylviane Agacinski la même année de s’exprimer.
Fascistes, les étudiants de l’université américaine d’Evergreen qui en 2019 aussi ont harcelé un enseignant jusqu’à ce qu’il démissionne — et le cas est loin d’être unique…
Fascistes, les étudiants de Sciences-Po Grenoble qui ont poussé à la suspension de deux enseignants en les accusant d’islamophobie — en 2021.
Fascistes, les pseudo-transgenres, mauvais lecteurs de Beauvoir qui les aurait méprisés, tout glorieux d’une identité sexuelle floue, qui s’en prennent à J.K. Rowling parce qu’elle affirme qu’une femme a des ovaires et un utérus.
Fascistes, les hystériques qui ont couvert la librairie Mollard, à Bordeaux, de graffitis pré-vengeurs pour dénoncer une séance de signatures de Frédéric Beigbeder il y a deux jours, puis s’en sont prises directement à l’auteur. Pas des femmes libérées : des nervi, au même titre que les Chemises noires mussoliniennes obligeant les intellectuels à boire une bouteille d’huile de ricin. Je regrette fort que Beigbeder ne leur ait pas répliqué à grands coups de taloches. Comme l’expliquait Sartre dans Réflexions sur la question juive, la seule façon de convaincre un menhir, c’est de taper dessus. La seule façon d’expliquer à une Chienne de garde qu’elle dit des âneries, c’est de lui administrer une fessée.
Fascistes, les journaux et magazines qui approuvent ces débordements. J’ajouterai que les publications qui rajoutent un -e- à auteur ou professeur quand la personne susdite a un vagin sont aussi des fascistes. Parce que le fascisme, comme disait très bien Barthes, consiste aussi à « obliger à dire ». Et que ces collabos du wokisme veulent nous obliger à parler contre la langue. Un tyran de Syracuse, au IVe siècle, avait interdit le mot démocratie, espérant qu’à force la notion disparaîtrait. C’est de la même eau.
Et fascistes, les universitaires qui ne recrutent plus que de pseudo-chercheurs spécialistes de la « question du genre ». Et des imbéciles, car ils trouveront toujours plus convaincu et jusqu’auboutiste qu’eux. Face aux fascistes, ressortons la boîte à claques. En attendant de les envoyer faire un long, très long stage dans les rizières de Camargue, comme le suggérait déjà le président Mao dans un texte apocryphe…
A relire: Mort à la littérature!
Je ne sais pas si, selon les critères tordus de quelques atrophiés du bulbe, je suis « d’extrême-droite » juste parce que je suis républicain. Mais je sais très bien reconnaître un fasciste quand j’en vois un. Et aujourd’hui, sauf exception très marginale, ils ne sont pas à l’extrême-droite. Ils occupent la presse bien-pensante, celle qui trouve qu’Edouard Louis est un écrivain et qu’Annie Ernaux pense — ou l’inverse. La vraie extrême-droite n’est pas à Valeurs actuelles, ni sur Cnews, ni sur Causeur, vecteurs d’un pluralisme de bon aloi. Elle est à Libé, au Monde, à France-Inter, ou sur Médiapart, et dans tous les médias qui ont inversé les adjectifs, comme l’avait fait Big Brother avant eux, qui appelait ministère de l’Amour le haut-lieu de la répression. Des médias où l’on cultive l’entre-soi de façon systématique.
Ces titres (et quelques autres) modifient la langue pour plaire à leur clientèle de profs de gauche (il en reste, ils ont voté Macron deux fois, en 2017 et 2022 pour éviter l’hydre néo-nazie et maintenant ils manifestent, c’est vous dire s’ils sont idiots) selon les principes de la novlangue orwellienne. Ce qu’ils nomment « gauche » est objectivement fasciste — voir Mélenchon. Et ce qu’ils appellent « intersectionnalité des luttes » est un procédé visant à oublier les exactions commises par tel ou tel communautarisme, libre de ses agissements dès qu’il est bronzé, et qui maintient les femmes dans une servitude qui finit par passer pour volontaire — voir La Boétie sur le sujet.
Les belles âmes devraient se soucier d’intégrer tous les immigrés qui le souhaitent dans la culture française, laïque et universelle — et virer ceux qui résistent. Mais cela supposerait qu’elles réfléchissent — et elles ne sont plus en état. Ou plus exactement, elles affichent leur souci de mixité scolaire tout en inscrivant leur progéniture dans de bons établissements préservés — et j’ai des preuves surabondantes des interventions de journalistes et d’enseignants pour que leurs rejetons s’épargnent les établissements difficiles : l’apartheid sociologique, c’est eux — et personne d’autre. Et ce serait moi le fasciste ? C’est cela, l’inversion des valeurs — et rien d’autre. Le cœur à gauche, mais le portefeuille et la carte scolaire à l’extrême-droite.
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