Jugée trop patriarcale, une œuvre abritée dans le square de la Maturité à Bruxelles va être remplacée par des déchets de chantier, ce qui est plus raccord avec notre époque déconstruite.
Le wokisme a encore frappé : à Bruxelles, encore elle, la sculpture portant le joli nom de La Maturité sera bientôt remplacée par une œuvre… « féministe » qui sublime… les « déchets de chantier » – précisons d’emblée que l’objectif de notre réflexion n’est pas de tenter de clarifier le lien entre « féminisme » et « déchets de chantier » ; nous laisserons cette tâche aux esprits plus éveillés et moins étriqués que les nôtres.

Cancel culture : oui, mais non…
Peu semble importer que l’œuvre aujourd’hui vouée à la disparition de l’espace public, travaillée dans le marbre de Carrare par Victor Rousseau, figure depuis un siècle près de la Place du Marché au Bois dans le centre de la capitale, non loin de la Gare centrale, les médiocres censeurs de la modernité décadente ont tranché : elle est trop patriarcale. Les autorités bruxelloises ont refusé de la protéger et l’ont donc condamnée au déclassement.
Se tenant aux côtés d’un homme barbu trônant fièrement sur un drap et semblant contempler l’avenir avec assurance, des personnages féminins et… masculins figurent dans diverses positions, agenouillée, assise ou se tenant par la main. Les fleurs qui ceignent le front d’une femme et les éléments végétaux qui forment un tapis structurant, les regards qui tantôt se perdent dans le lointain, tantôt se fixent dans les yeux les plus proches, la nudité plus ou moins affichée rehaussent l’œuvre de différents niveaux de lecture, allant de la contemplation de la Beauté à l’interprétation allégorique.
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Si Victor Rousseau souhaitait une œuvre intemporelle, il ignorait que les adeptes de la cancel culture auraient raison d’elle. Mais pas totalement, nous rassure-t-on, car elle sera officiellement « conservée, restaurée et replacée dans un lieu où elle sera mise en valeur», échappant à sa réduction en gravats, sans doute parce que son auteur fut rattaché au courant progressiste. Celui-ci était un artiste reconnu, remportant le grand prix de sculpture de Rome en 1911. Mais son goût pour l’antiquité greco-romaine et sa conception du corps humain, dans sa nudité, auront eu raison de son talent.
Verbiage
Le « Rückbaukristalle » qui remplacera « La Maturité » sera réalisé par l’artiste d’origine autrichienne Aglaïa Konrad. Celle-ci est spécialisée dans les œuvres mettant en exergue l’espace urbain dans un environnement globalisé – comprenez qu’il n’y a, chez elle, que peu d’appétence pour l’enracinement et la permanence dans le temps. Les premières images de sa « chose » font craindre le pire : on peut y voir des blocs sans âme assemblés verticalement. Tout cela doit officiellement « rendre hommage [aux déchets de chantier] sous une forme tendre et sculpturale” et assurer “une représentation du développement perpétuel d’une ville.” Un charabia finalement aussi incompréhensible que l’œuvre, comme si l’art dans lequel les décadents excellent était celui d’enrober la laideur d’un verbiage dont ils sont les seuls interprètes.
Tout concourt à la déconstruction de l’identité de Bruxelles pourtant riche d’une histoire pluriséculaire : celle-ci est désormais mise à mal par une immigration massive qui sape ses fondements et une insécurité galopante – elle est la deuxième ville européenne où il y eut le plus de fusillades en 2024, derrière Naples et devant Marseille. On pouvait se rassurer en se répétant naïvement que la culture restait, une fois que tout était oublié : il n’en est désormais plus rien, même elle est attaquée au burin progressiste.
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