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Le Vicomte et le juif allemand


Le Vicomte et le juif allemand
Philippe de Villiers abandonne son fief vendéen.
Philippe de Villiers abandonne son fief vendéen.

La politique étant avant tout l’art de durer, c’est avec une bonne dose de scepticisme que l’on doit accueillir l’annonce, par Dany Cohn-Bendit et Philippe de Villiers, de leur prochain retrait de la vie politique, européenne pour le premier, vendéenne, pour le second. Promis juré, Dany ne sollicitera pas un nouveau mandat à Strasbourg en 2014. D’ailleurs, notent les observateurs perspicaces, il place des pions pour une future reconversion en devenant consultant foot à Canal +.

Philippe de Villiers, dit le Vicomte, abandonne, lui, son fief vendéen et la présidence du conseil général de ce département, mais reste président de son parti, le MPF et député européen champion de l’absentéisme parlementaire. Beaucoup d’eau peut pourtant encore couler dans le Rhin et dans la Sèvre nantaise avant que la trace de ces deux personnages ait totalement disparu des écrans radars scrutant le ciel politique hexagonal.

Ces précautions liminaires étant prises, on peut tout de même juger relativement crédibles les annonces d’effacement programmé de la scène politique de ces deux personnalités, car on y retrouve à la fois le désir d’apparaître comme le maître de son destin et la perception réaliste d’une situation politique dégradée.

On s’adresse à beaucoup plus de gens en parlant football qu’écologie

Commençons par Dany le rouge-vert. Il aura 69 ans en 2014, un âge où les travailleurs estiment avoir eu droit depuis longtemps au passage de l’autre côté du guichet de la redistribution (je n’écris, ni ne prononce plus le vocable maudit qui fait flipper toute une nation !). La plupart des hommes politiques français jugent qu’à cet âge, ils peuvent rendre encore d’immenses services à la collectivité en conservant les sièges divers et variés qu’ils occupent. Mais il semble bien que Dany, après quatre décennies de vie militante, puis politique ait fait le tour des bénéfices narcissiques procurés par son statut de monstre sacré de la planète verte. On s’adresse à beaucoup plus de gens en parlant football qu’écologie. Et en plus, pour qui l’écoute un peu attentivement, le mouvement de translation vers la droite qui affecte souvent les plus stricts des gauchistes, l’âge venant, ne l’a pas totalement épargné. Ainsi, il n’était pas vraiment d’accord avec le rejet, par la gauche (y compris les verts français) et les syndicats du projet de réforme des modes de vie après le travail présentés par le gouvernement et Nicolas Sarkozy. Il pointait, dans ses dernières interventions, la contradiction entre la construction européenne et le cavalier seul de la gauche française pour maintenir à 60 ans la cessation d’activité salariée dans notre beau pays alors que nos partenaires vont au chagrin jusqu’à 65, voire 67 ans. Dans le débat présidentiel de 2012, il ne sera pas en première ligne, car ce sera Eva Joly, sa créature politique (qui lui a partiellement échappé) qui sera la vedette, avec une probabilité non négligeable qu’elle se plante grave, vu l’incompatibilité du style de la dame avec l’esprit du pays qu’elle aspire à diriger. Il y a donc fort à parier qu’on ne verra pas beaucoup Dany sur les estrades au printemps 2012. D’ailleurs, il sera fort occupé par les préparatifs de son grand film sur la Coupe du monde de football de 2014 au Brésil.

Mais n’ayons crainte, ses adieux au public dureront au moins aussi longtemps que ceux de Maurice Chevalier, et les rappels enthousiastes qui ne manqueront pas de saluer ses diverses prestations feront un bien fou à son moral de jeune vieillard.

Villiers, seul en son château

Bien plus triste est l’histoire de Philippe de Villiers qui vient de se faire proprement éjecter d’un terroir dont il fit la conquête politique[1. Contrairement à une idée largement répandue, mais fausse, la famille de Villiers n’est pas originaire de Vendée, mais de la Manche, en Normandie.] au début des années 1980. Quelque soit le jugement que l’on porte sur ses orientations politiques, le récit de la «  chute de la maison Villiers », que nous narre avec autant de talent que de cruauté Mathieu Deslandes dans le JDD est de nature à provoquer la compassion des sans-cœur que nous sommes. Cet aristocrate vieille France vient de voir étaler sur la place publique de sales petits secrets de famille, où l’un de ses fils accuse son frère aîné de viols répétés. Après avoir vaincu un cancer de l’œil, il se retrouve seul en son château, son épouse l’ayant quitté, lasse de trop d’infidélités. Ses obligés et ses valets le trahissent les uns après les autres avant de se partager son fief en une sinistre bacchanale. Le destin de Villiers est digne d’une pièce de Shakespeare où le sang gicle sur les murs alors que le souverain, abandonné de tous, tente de conjurer la fatalité qui l’accable. Il y a là matière à nourrir un nouveau spectacle au Puy du Fou, entreprise à laquelle, dit-on, il entend consacrer prioritairement le reste de son existence.

Aussi éloignés qu’ils puissent être l’un de l’autre par leurs origines et leur orientation, Cohn-Bendit et de Villiers ont en commun ce petit grain de génie, ou de folie, qui transforme un homme politique banal en personnage de roman, sinon d’Histoire. On rêve d’une pièce de théâtre où, dans le style de ce que firent naguère Claude Rich (Fouché) et Claude Brasseur (Talleyrand) dans Le souper, ils nous referaient le match de trente ans de politique française. Ils sont assez cabots pour en accepter le défi.



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