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Le tricheur et le rapporteur, fable russe


Le tricheur et le rapporteur, fable russe

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L’organe russe supervisant le contrôle de l’éducation et des sciences, nommé « Rosobrnadsor », a présenté une  ébauche de loi incitant les élèves à dénoncer ceux de leurs condisciples qu’ils auraient surpris à tricher. C’est une des solutions avancées pour éviter les fraudes lors du test de fin d’école « EGÈ », correspondant au Baccalauréat.

Le directeur de cet organe exécutif, Serguei Kravtsov, explique le but de la démarche : « Si un élève triche à l’aide de son portable pour récupérer des informations, tout le monde peut le dénoncer. » Il suffit de remplir un papier pré-distribué en début d’examen avec les informations utiles et de le glisser dans une petite enveloppe prévue à cet effet  qui sera récupérée en même temps que les copies à la fin des épreuves.

Mais l’avant-projet ne s’arrête pas là. Il couvre plus largement son public puisque les professeurs-mêmes peuvent être touchés par les accusations anonymes.

Le quotidien Novaya Gazeta s’interroge sur la portée d’une telle mesure. Il donne la parole à un instituteur qui trouve le principe « monstrueux ». « Une fille amoureuse de son enseignant peut se venger d’un amour non réciproque, raconte-t-il, ou un garçon d’une mauvaise entente avec le maître. Comment peut-on proposer de telles choses à des enfants ? »

D’une façon plus générale, ce texte fait peur. Il rappelle de mauvais souvenirs. L’époque où les enfants étaient félicités lorsqu’ils dénonçaient leurs parents, ennemis du peuple. L’époque où la légende de Pavlik Morozov, un jeune garçon qui a incriminé sa famille, était une histoire de héros.

Il faut bien noter à cet égard que l’organe auteur de la proposition est directement subordonné au Ministère de l’éducation. Créé en 2004, le comité a pour rôle de vérifier la « compétence » des professeurs et des élèves. Tous les enseignants sont soumis régulièrement à un examen de pédagogie et reçoivent une attestation sans laquelle ils ne pourraient plus exercer.

Nina G., institutrice et directrice d’école se désespère d’un tel contrôle. Elle nous confie : « Je suis dans l’enseignement depuis plus de 30 ans, j’ai toujours été reconnue pour mon travail et  maintenant je dois me justifier devant un jury qui n’y comprend rien et qui peut me destituer du jour au lendemain parce que mon programme ne leur plaît pas. »

Dans cette perspective, le projet de loi évoqué paraît poursuivre par d’autres moyens – franchement discutables – le système de contrôle déjà en place. Au pays de Poutine, les tentacules ne font que s’allonger…

 

 



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est journaliste à Causeur

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