Accueil Culture Le système solaire de la vanité

Le système solaire de la vanité

Les aphorismes du vaurien


Le système solaire de la vanité
Paul Léautaud, 1956 © ECLAIR MONDIAL/SIPA Numéro de reportage : 00006156_000001

Les aphorismes du vaurien


Seule la mort peut éteindre le « système solaire de la vanité » qui consume l’humain.

Paul Léautaud disait qu’il ne trouvait rien de si plat que la vanité: elle est presque toujours l’indice d’un petit caractère.

Il n’y a pas de génie, il n’y a pas d’inventeurs. Il n’y a que des épigones et des plagiaires, selon Goethe. À son propos, Valéry disait de lui qu’il avait un truc pour paraître profond. Sans ce truc, vous êtes voué à l’oubli. Et d’ailleurs même avec lui….

L’amour de l’échec est un vice pour Sartre. C’est la gloire pour Cioran. D’ailleurs que sommes-nous capables de jouer sur notre orgue de barbarie ? À peine une demi-douzaine de vieilles rengaines. Rien dans la vie ne nous frappe plus que ce simple fait : elle finit. Et tout sera effacé. 

Et pourtant, notait Proust, tout se passe dans nos vies comme si nous y entrions avec le poids d’obligations contractées dans une vie antérieure.

Il n’y a guère qu’une stratégie pour y échapper : adopter une négativité juvénile et dépravée. 

L’idéal pour moi a toujours été de découvrir des auteurs qui disent hardiment leur dessein sur un ton légèrement dépréciatif, Montaigne par exemple, comme le commandaient la discrétion et le négligé élégant – la « sprezzatura » en italien – par lesquels les hommes du monde se distinguaient des pédants.

Il importe également de veiller à rester dans un état d’irrésolution permanente. Ayons l’élégance de ne pas toujours être de notre avis, disait Madame de Sévigné.

Il ne serait peut-être pas mauvais non plus de suivre le conseil de Karl Kraus de rester au lit jusqu’à midi. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a que les dictateurs et les fanatiques qui se lèvent tôt… ce n’est pas d’engagement que nous avons besoin, mais de désengagement. 

Les grands systèmes philosophiques flattent notre vanité. Mais ne sont-ils pas au fond que de brillantes tautologies ? Quel avantage retirons-nous de savoir que la nature de l’être consiste dans la «  volonté de vivre », dans «  l’Idée », dans la fantaisie de Dieu ou de celle d’un mauvais démiurge ? À quelque conclusion que nous aboutissions, nous nous trouvons tout aussi désemparés. À titre personnel, j’ai abouti à la certitude que les hommes ne sont pas faits pour s’aimer. Rien jusqu’à présent n’a démenti ce qui n’est sans doute qu’un reflet de ma nature et un effet de ma vanité. Je suis décidément incorrigible. Mais comme tout un chacun je vieillis : même la longueur des jours devient source de larmes.



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent Ce week-end, j’ai piscine!
Article suivant L’impénétrable Mulholland Drive de David Lynch

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération