Claude Quétel sait se faire des ennemis. Cet historien dénonce le terrorisme intellectuel des ses confrères et la mainmise du wokisme sur les jeunes esprits. Son oeuvre prouve surtout que l’on peut être aussi bien spécialiste de la Révolution française que de la Seconde Guerre mondiale.
Causeur: Pendant la campagne présidentielle, Jean-Luc Mélenchon et surtout Éric Zemmour ont invoqué l’histoire de France. Êtes-vous choqué que des hommes politiques l’accaparent, faut-il laisser l’histoire aux historiens ?
Claude Quétel: L’Histoire appartient à tout le monde. Nul n’en est propriétaire. Et il n’y a rien de plus dangereux que d’abandonner l’histoire aux seuls historiens professionnels. Il y a d’ailleurs des historiens du dimanche qui sont meilleurs médiateurs que ceux du lundi ! Souvenez-vous d’Alain Decaux…Tout le monde a le droit de parler d’histoire, à commencer par les politiques. Et qu’ils la tournent à leur sauce n’est pas nouveau. D’une certaine façon, l’historien lui-même le fait depuis l’Antiquité.
Il est cependant moins risqué aujourd’hui de parler de la guerre du Péloponnèse que du régime de Vichy…
Certes ! Si Vichy a une actualité, c’est parce que les politiques en parlent régulièrement ! La collaboration dans son ensemble, qu’elle soit économique, politique ou culturelle, n’intéresse plus personne. C’est la question du génocide des juifs qui cristallise l’attention et les passions. Et sur ce point précis, il reste à admettre que le régime de Vichy s’est lamentablement conduit, que Pétain n’a rien protégé du tout. Cependant, tout le monde en tout cas peut en discuter, car il n’y aurait rien de pire qu’une histoire officielle à apprendre par cœur et à réciter. Dans quel régime serait-on alors ?
Vu comment sont enseignées l’histoire de l’esclavage et celle de la colonisation, on peut se poser des questions. Et le climat qui règne dans les universités de ces grandes démocraties que sont les États-Unis et la Grande-Bretagne fait froid dans le dos.
Il y a toujours eu des doxas et la doxa est partout, même douce et souriante. Mais ces pays, comme le nôtre, admettent plus ou moins la contestation. Ce n’est pas le cas en Russie et en Chine. L’existence d’une doxa est inévitable, car l’enseignement de l’histoire est un enseignement officiel. Comment en irait-il autrement ? J’ai été professeur de collège et avant cela instituteur. On ne peut pas enseigner l’histoire de France à des enfants de 9 ans en leur posant des problématiques d’historiens. Il faut leur apprendre une histoire linéaire, la plus événementielle possible. Voilà pourquoi il y a une doxa républicaine, celle de la Révolution et des droits de l’Homme. J’ai bien dû enseigner à mes petits élèves la prise de la Bastille, mais sans leur montrer le « dessous des cartes », sans leur
