L’anthropologue Fadila Maaroufi déplore l’ambiguïté d’une grande partie de la population arabo-musulmane de France. Elle l’explique par l’islamisme d’atmosphère dans lequel beaucoup vivent.
Militante contre les fondamentalismes, Fadila Maaroufi anime le Café laïque qui organise des conférences à Bruxelles et à Paris.
Causeur. Comment réagit la jeunesse musulmane en Europe face au pogrom en Israël ?
Fadila Maaroufi. La jeunesse musulmane, cible principale des Frères musulmans, a été abreuvée d’une propagande haineuse contre les juifs, qui rencontre une culture arabo-musulmane déjà marquée par l’antisémitisme. Au sein des familles, entre musulmans, on ne parle pas d’Israël ou du gouvernement israélien, mais des juifs. D’ailleurs,« juif » est une insulte parfaitement assumée quand on est entre musulmans.
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Ce qu’a fait le Hamas renvoie au nazisme. Face à des crimes contre l’humanité, le silence d’une grande partie de la population arabo-musulmane est pesant. On n’entend pas la Grande Mosquée de Paris, par exemple. Quand cette population s’exprime, c’est pour se rassembler dans des manifestations pro palestiniennes où on scande « Israël assassin ! » et même « Allahou Akbar ! », mot d’ordre des terroristes qui ont massacré des civils et tué des enfants.
Pourquoi l’indignation n’est-elle pas unanime ?
L’Europe tombe comme d’habitude dans le piège de la victimisation des assassins. Une partie de la classe politique est ambiguë, voire préfère faire le procès d’Israël que celui du Hamas. Cela n’aide pas des populations travaillées par les militants de l’islam politique à ouvrir les yeux. De surcroît, dès qu’un crime atroce est commis par un islamiste, une histoire d’agression de musulman ou de femme voilée est mise sur les réseaux sociaux. Ainsi, suite à l’attentat qui a coûté la vie à deux Suédois à Bruxelles, une militante pro-voile a tweeté sur une invérifiable tentative de meurtre d’une voilée. Cette communication vise à couper la communauté musulmane de l’émotion collective nationale pour la recentrer sur le sentiment de persécution qu’exploitent les islamistes.
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La population arabo-musulmane en Europe craint-elle de subir des représailles ou d’être assimilée aux militants du Hamas ?
En tout cas, ces inquiétudes ne se traduisent pas dans les faits. En France, c’est même le contraire : les musulmans sont les plus épargnés par les actes. En revanche, on a assisté à une explosion des actes antisémites juste après le massacre des juifs. Beaucoup de jeunes arabo-musulmans ont été imbibés par une propagande atroce sur la façon dont les juifs ou l’Occident traitent prétendument les musulmans. Même en Europe, ils vivent au rythme de TikTok, des chaînes moyen-orientales, de médias comme AJ+ destinée aux jeunes musulmans d’Occident, bref dans un écosystème islamiste qui cautionne le djihad. Ce djihadisme n’est pas d’atmosphère, il est très concret (coups de couteau, attentats, menaces…). Pour les jeunes, le Hamas et la Palestine sont des références incontournables.