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Le sentiment anti-français en Afrique. De quoi parle-t-on?

En partenariat avec la revue "Conflits"


Le sentiment anti-français en Afrique. De quoi parle-t-on?
Emmanuel Macron et le président du Mali Ibrahim Boubacar Keita lors du sommet de Pau, le 13 janvier 2020 © REGIS DUVIGNAU/AP/SIPA

Le mouvement anti-Français en Afrique a connu des précédents qui ont été surmontés. La nature de ces mouvements est aujourd’hui nouvelle et s’appuie sur d’autres ressorts. Il est essentiel de les connaitre afin d’établir les relations africaines sur de bonnes bases. 


La décision récente des autorités de transition maliennes, rapidement suivie de celle de leurs homologues burkinabés, de mettre un terme à l’opération Barkhane sur leur territoire a profondément marqué l’opinion. Vécue comme une humiliation pour la France, perçue comme le signe d’un recul de l’influence française, d’un échec de notre politique africaine, elle ne cesse depuis d’être commentée dans la presse, sur les plateaux, dans tous les forums.

La haine distillée simultanément par les décoloniaux et les wokes, relayée par les réseaux sociaux et exploitée par certaines puissances, a semble-t-il trouvé un terreau fertile pour se propager. S’il est indéniable qu’il existe un certain ressentiment à l’égard de notre pays, il faut, je crois, rappeler que ces réactions de rejet ne sont pas nouvelles et que dans le passé, à de nombreuses reprises, des manifestations d’exaspération, voire même de colère, ont pu se produire. 

Néanmoins, plus que de la haine, elles me semblent relever davantage aujourd’hui d’une réelle déception, comme l’écume d’une vieille relation qui ne demande qu’à être revivifiée.  

De nombreux précédents 

Dans les dernières années de la période coloniale, en août 1958, on se souvient du Général de Gaulle conspué par la jeunesse sénégalaise à Dakar, contraint de s’adresser aux « porteurs de pancartes » qui réclamaient l’indépendance immédiate. Quelques semaines plus tard, rappelons-le, le territoire choisissait à 90% de rejoindre la Communauté française. C’est dire que les esprits s’échauffent vite et que les récriminations, même violentes, ne traduisent pas nécessairement des sentiments profonds et définitifs.

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Au Tchad, en septembre 1975, le Général Felix Malloum quelques mois après le renversement et l’assassinat de son prédécesseur, le Président Tombalbaye, avait demandé le départ de l’ensemble des forces françaises qui venaient pourtant d’aider avec succès le Tchad à contenir la rébellion qui sévissait au Nord. Moins de trois ans plus tard, son pouvoir étant à nouveau menacé, il rappellera un contingent français.

Les manifestations anti-françaises, qu’elles s’adressent à notre politique ou à certains de nos comportements, ne nous ont jamais été épargnées.

On l’a vu en République centrafricaine à l’occasion d’alternances politiques ou encore après le crash d’un Jaguar français sur un quartier populaire en mars 1986. Nul n’a oublié notre Centre culturel à Bangui, incendié et pillé en 1996 lors des mutineries de l’Armée. Le Gabon lui-même, qui n’était pourtant pas suspect de sentiments anti-français, ne nous a pas épargnés. Lorsqu’une décision parisienne déplaisait au Palais du Bord de Mer, la foule se massait alors « spontanément » devant les grilles de l’Ambassade de France puis se repliait une fois le message passé.

Plus récemment, et plus dramatiquement aussi, on se souvient, en Côte d’Ivoire en 2004, du leader de la jeunesse, Blé Goudé qui s’attribuera le surnom de « Général de la rue » appelant aux manifestations contre la France et proclamant : « À chacun son Français ».  

Quelque chose aurait-il changé désormais ?

La relation entre la France et ses anciennes colonies d’Afrique subsaharienne n’est certainement plus la même aujourd’hui que celle qui prévalait encore à la fin des années quatre-vingt, au moment où s’achevait la Guerre froide. L’influence française était alors incontestable et certainement à son apogée, sur le plan diplomatique, politique, économique et culturel. Sur le plan sécuritaire, il était reconnu que notre présence militaire dans un certain nombre de points d’appui, Dakar, Abidjan, Libreville, N’Djamena, Bangui, Djibouti, garantissait la stabilité et la paix. Nos interventions au Gabon en 1964, au Tchad dès 1968, en Mauritanie en 1977, à Kolwezi en 1978, montrent à l’évidence que la France est alors le gendarme de l’Afrique et qu’elle réussit plutôt bien dans ce rôle. On peut dire que le système Foccart, même incarné par d’autres que lui, libéraux ou socialistes, demeure en place.  

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Avec les années quatre-vingt-dix, les choses changent substantiellement. 

Après la disparition de l’Union soviétique, les enjeux ne sont plus les mêmes et les risques se sont dissipés, se sont écartés, du moins provisoirement, aussi bien pour les puissances occidentales que pour les pays africains. 

C’est dans ce contexte que la France commence à privilégier l’approche multilatérale dans sa politique d’aide au développement, en même temps qu’elle conditionne celle-ci à des progrès en matière de gouvernance et de démocratie. Le discours prononcé à La Baule lors de la 16ᵉ Conférence des Chefs d’État de France et d’Afrique par le Président François Mitterrand invite ainsi nos partenaires à mettre un terme au régime de parti unique et à revenir au multipartisme. C’est quelque peu contraints et forcés qu’ils s’engageront dans cette voie avec la multiplication des conférences nationales.

La France est satisfaite, elle estime avoir modernisé sa politique africaine et être sortie de l’ère post coloniale. La perception au sud du Sahara est quelque peu différente. 

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L’arrivée aux marches du pouvoir des opposants souvent traditionnels au moment même où l’ajustement structurel imposé par les Institutions financières internationales demande des sacrifices dont les résultats n’apparaissent pas clairement aux populations est porteur de tensions. Le cas du Niger où le retour à la démocratie se traduit en peu de temps par deux coups d’État successifs est révélateur à cet égard. 

Quelques années plus tard, cette politique qui s’exprime par le ni-ni, « ni ingérence, ni indifférence » sera considérée comme un abandon de la France.

L’ancien Premier ministre centrafricain, Jean-Paul N’Goupande, agrégé de philosophie de l’Université française, déplorera cette évolution dans un ouvrage remarquable L’Afrique sans la France, histoire d’un divorce consommé, analyse aussi critique à l’égard des dirigeants français que de leurs homologues africains. Il y déplore notamment le désengagement français, manifeste dans de nombreux secteurs, la disparition progressive des…

>>> Lire la fin de l’article sur le site de la revue amie Conflits <<<

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Jean-Marc Simon est ambassadeur de France. Il a notamment été ambassadeur au Nigeria (2001-2003) et en Côte d’Ivoire (2009-2012).

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