Hier, me reviennent à la mémoire, dans un train, allez savoir pourquoi, ces quelques vers:
« Dedans Paris, Ville jolie,
Un jour passant mélancolie
Je pris alliance nouvelle
A la plus gaie damoiselle
Qui soit d’ici en Italie. »
C’est un très vieux poème, plus de cinq cent ans. Je me sens incroyablement heureux en m’en souvenant. Sans doute parce que je viens, juste avant, de faire un tour sur le réseau et deux ou trois sites infos. J’ai l’impression que c’est ma mémoire qui a cherché un antidote puissant parce qu’on est quand même sérieusement envahi par une langue du ressentiment, de l’hystérie, du pathos; une langue de réseaux sociaux qui contamine les relations humaines, même virtuelles, mais aussi les infos, la politique et bientôt la littérature.
Alors, l’antidote, cinq vers de Clément Marot, pas plus.
« Dedans Paris, Ville jolie,
Un jour passant mélancolie
Je pris alliance nouvelle
A la plus gaie damoiselle
Qui soit d’ici en Italie. »
Cinq cents après, on comprend encore tous les mots. Dans un demi-siècle, si on est encore là, la fausse complexité des discours dominants ressemblera à de l’assyro-chaldéen écrit par un scribe sous acide. Il faudra un dictionnaire pour traduire : « Toutes ces problématiques impactent mon ressenti. »
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Clément Marot, comme les plus grands, lui, écrit avec quelques centaines de mots. Cela suffit pourtant à une combinatoire infinie de la beauté, de la nuance, de l’émotion.
On ne va pas se livrer à une explication de texte, mais tout de même. Cette simplicité est une transparence, quelque chose qui a à voir avec la fraicheur matinale de l’air bleu. Marot dit tout ici de la rencontre amoureuse, de son effet de surprise, du hiatus toujours douloureux entre la beauté d’un lieu et ses propres sentiments avant que ne survienne la rencontre elle-même qui résout la contradiction et ouvre, à travers la comparaison finale, sur un ailleurs tant il est vrai que le coup de foudre nous envoie toujours ailleurs.
Allez une dernière fois:
Dedans Paris, Ville jolie,
Un jour passant mélancolie
Je pris alliance nouvelle
A la plus gaie damoiselle
Qui soit d’ici en Italie.
Laissez-vous faire, il fait beau, tout est clair, la ville s’anime au matin, une jeune fille passe et c’est toujours la même jeune fille depuis cinq cents ans. Vous allez déjà mieux, vous respirez mieux, vous oubliez les petites et grandes trahisons, vous oubliez les langues mortes du ressentiment, de la plainte, de la peur, de la fausse efficacité managériale et de la vraie haine politique.
Un poème, c’est ce moment de « l’alliance nouvelle » avec vous-même et avec les autres. C’est éphémère, mais rien ne vous empêche de renouveler l’expérience.
Lisez de la poésie.