Le 28 octobre, dans le Journal du Dimanche, l’Association française des entreprises privées (AFEP), puissant mouvement de lobbying patronal, a lancé un appel alarmiste au président de la République comme s’il y avait un péril imminent en la demeure France (Le Monde, Libération).
Derrière l’argumentation technique et le discours faussement neutre, ces grands patrons – 98 – se croient autorisés à donner des leçons au pouvoir de gauche, aux socialistes, parce qu’ils seraient naturellement sinon incompétents du moins à conseiller. À guider. Des élèves en formation. Qu’il y ait quelques personnalités de gauche parmi ces conseilleurs, je n’en doute pas et c’est une évidence. Mais, de droite ou de gauche, un certain patronat ne se laisse pas distraire de la ligne de ses intérêts.
Toujours ce soupçon d’illégitimité, ce reproche implicite d’une intrusion démocratique. Il faudrait que le savoir, la compétence et le réalisme fussent reconnus ! Le suffrage universel est bien étrange qui porte à la tête du pays des gens auxquels nous ne sommes pas habitués!
Pourtant, lors du précédent quinquennat, l’AFEP n’est intervenue sur rien. Aucune injonction, aucune suggestion. A croire que sur le plan économique et financier tout se déroulait le mieux du monde. Mais silence dans les rangs patronaux. Quand on espère profiter d’un pouvoir, on n’a pas le temps de le sermonner : on attend patiemment qu’il ne vous oublie pas. On le cultive, on pactise, on ne fait plus qu’un. On s’enrichit.
L’AFEP s’est réveillée. C’est normal puisque la gauche est là, maintenant. Elle a battu – par quelle méprise ? – la droite qui n’avait pas besoin, elle, d’être stimulée : elle parlait la même langue que les grands patrons.
Il faut apprendre aux nouveaux occupants de la France – Jean-François Copé appelait récemment à la résistance – à calculer, à compter et à savoir bien doser les sacrifices. Pas toujours pour les puissants.
J’en ai assez de cette droite – heureusement, elle n’est pas la seule dans l’espace politique – qui rime exclusivement avec argent, profit, diminution des charges, soutien au patronat, capital. J’aimerais aussi une droite du mérite, de l’effort, de l’équité, de la solidarité, du partage et de la justice. De la considération pour tous.
Sans doute que ces exigences ne sont pas prioritairement celles de l’AFEP ?
Je ne sais pas pourquoi, j’ai dans la tête une phrase du bateleur, du saltimbanque, du chanteur, de l’artiste Francis Cabrel qui dans le cours d’un face-à-face avec des lecteurs du Parisien, déclarait en substance que « quel que soit le montant de ses impôts il ne quitterait jamais la France ».
Cela n’a pas de rapport, c’est modeste face au lobbying massif, c’est singulier, Francis Cabrel ne donne pas de leçons, mais sa petite musique fait du bien quand la grosse caisse de l’AFEP sonne faux et creux.
Entre le saltimbanque et les grands patrons, je n’hésite pas.
*Photo : marie_astier.
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