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Le Rom n’est plus dans Rome


Le Rom n’est plus dans Rome

Après la formule alambiquée du pape et la déclaration polie de l’archevêque d’Aix et d’Arles, le père Arthur Hervé de Lille a mis les points sur les « i » : l’Eglise catholique condamne la politique « rom » du gouvernement français. Cette intervention assez rare de l’Eglise dans un débat hautement politisé n’est-elle pas la marque d’une mauvaise conscience du clergé catholique ? Personne ne doutera de la sincérité de ces ecclésiastiques face aux images troublantes qui remplissent nos écrans depuis quelques semaines. Mais ces bons sentiments et ces non moins bonnes paroles viennent un peu tard. La messe a déjà été dite : sous le nez de l’Eglise de France, au su et au vu de Rome, les Pentecôtistes ont déjà évangélisé un très grand nombre de Roms et de Tsiganes.

En regardant l’histoire de cette communauté depuis la Guerre, force est de constater que les Tsiganes et les Roms n’ont pas été au top des priorités de l’Eglise catholique ces soixante dernières années. Or, si l’Eglise les a, en quelque sorte, abandonnés, cela n’a pas été par manque de cœur, mais parce qu’en tant qu’institution bureaucratique l’Eglise s’est heurtée au même problème que l’Etat : comment « caser » ces nomades ? Concrètement, l’Eglise n’a pas su inventer une pastorale adaptée à cette population : depuis des siècles, elle s’est habituée à conduire (quand elle en conduit encore) des troupeaux fixes et sédentaires.

Conversions massives au pentecôtisme

À partir des année 1950, les difficultés de l’Eglise catholique à prendre en compte ces populations ont ouvert un boulevard au pasteur pentecôtiste Clément Le Cossec. Pour ce jeune Breton, élevé dans la misère et la marge sociale, appartenant à l’Assemblée de Dieu (ADD), institution confédérative de Pentecôtistes, il n’y avait ni pape ni évêque à qui rendre des comptes. Il a profité de cette liberté et « le pasteur des Gitans » a créé une Eglise ambulante à l’image de ses ouailles nomades, une paroisse qui accompagne ses paroissiens à travers l’Europe et même outre-mer. Autrement dit, en s’installant chez ces « lépreux sociaux », le pasteur Le Coussec les a amenés corps en âmes à sa foi. Résultat : des conversions massives.

« Vie et Lumière », l’association qui continue l’œuvre du pasteur Le Coussec, décédé en 2001, revendique plus de 100 000 adhérents en France ; les dizaines de milliers de Tsiganes qui assistent, chaque année à la fin août, au grand rassemblement qu’elle organise montrent que ce chiffre est crédible et témoignent du poids du pentecôtisme au sein de cette communauté en France.

Le défi majeur des catholiques

Le succès du pentecôtisme parmi les Tsiganes n’est pas un cas isolé. En Amérique du Sud et surtout au Brésil, les Eglises inspirées du modèle pentecôtiste ont su attirer et convertir beaucoup de catholiques. Pour Rome, ce phénomène est aujourd’hui un défi majeur à relever. Plusieurs décisions de Benoît XVI, comme de son prédécesseur, s’expliquent uniquement par leur volonté d’y faire face. En tout cas, comme l’avait démontré Clément le Cossec, pour conquérir les cœurs et les âmes des Tsiganes – tout comme les habitants des favelas – il faut plus que des bonnes paroles. Il faut la souplesse et l’énergie d’une Eglise jeune, où le charisme n’est pas encore complètement figé par les institutions.

La question n’est donc pas de savoir si l’Etat rejette les Roms et les Tsiganes, mais si l’Eglise catholique est capable de ne pas les faire fuir loin d’elle.



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est historien et directeur de la publication de Causeur.

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