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Le réveillon noir (et blanc) du vaurien

... autour d'un film de Sidney Lumet


Le réveillon noir (et blanc) du vaurien
"Le Prêteur sur gages" un film de Sidney Lumet. DR.

Roland Jaccard a passé la Noël en solitaire dans son petit studio parisien … autour d’un film de Sidney Lumet. 


Comment ai-je passé ma nuit de Noël ? Seul, dans mon studio parisien. Au menu : patates douces, champignons et un jambon italien au Chianti. Une bière blonde, St-Stephanus, et pour conclure un triple Kazaar, un mélange particulièrement audacieux, je cite la publicité de Nespresso, de Robusta et d’Arabica d’Amérique du Sud d’une puissante amertume.

Un chef d’oeuvre désespérant

Il ne m’en fallait pas moins pour supporter The Pawnbroker – en français Le Prêteur sur gages – tourné en 1964 par Sidney Lumet avec Rod Steiger.

La noirceur humaine suinte à chaque plan de ce chef d’œuvre désespérant où nulle rédemption ne se profile et aucun espoir n’est jeté en pâture aux bonnes âmes, ce qui serait d’une indécence suprême après avoir comme le Professeur Nazerman survécu à Auschwitz.

Jamais je n’ai vu un film aussi noir – donc si révélateur de la condition humaine telle qu’elle grouille dans les camps de concentration, les quartiers glauques de Harlem ou les soirées mondaines de la haute société. Même le Latinos, qui a pour prénom Jésus et qui assiste le prêteur -sur- gages, sera abattu à la fin du film par ses potes.

Des messages de vœux niais

Jésus agonisant la nuit de Noël sous la pluie et Rod Steiger cherchant en vain la mort, juif errant n’ayant plus qu’une obsession : l’argent, ce tableau de l’humanité valait à mes yeux toutes les crèches de Noël, les messes de minuit et les retrouvailles familiales. Je n’ai même pas répondu aux messages parfaitement niais déposés sur mon IPhone.

Une seule question me taraudait : étais-je donc le seul à me sentir en bonne compagnie avec le Professeur Nazerman, enseignant à l’université de Leipzig avant la Deuxième Guerre mondiale, incarnation du Juif errant ou de Job ? Peut-être aurais-je dû voir le film en coréen et éviter l’intensité exceptionnelle de mon triple Kazaar : j’aurais assurément dormi d’un sommeil plus paisible. Après tout, les chants de Noël ont peut-être du bon…

The Pawnbroker

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