Jusqu’à une période récente, le port et l’usage du couteau avaient pratiquement disparu en Europe occidentale. Les agressions au couteau sont aujourd’hui de plus en plus nombreuses et elles font de plus en plus de victimes.
L’actualité est remplie d’agressions commises à l’aide d’un couteau : attaque d’une fête de village où les agresseurs laissent derrière eux un mort et plusieurs blessés, attentats où un terroriste islamiste poignarde plusieurs personnes, viols commis sous la menace d’une arme blanche, supporter du FC Nantes tué par le couteau d’un chauffeur de VTC… Hélas, la liste n’est pas exhaustive. Le couteau est une arme terrifiante, il laisse des blessures profondes, perforantes, et souvent invalidantes pour ceux qui survivent. Et en le frappant dans des zones vitales, on peut facilement tuer quelqu’un. Il sert aussi à une forme d’assassinat, l’égorgement, qui laisse peu de chance à la victime, comme cela a été le cas pour le professeur Samuel Paty, le professeur Dominique Bernard, ou le père Hamel, en pleine messe, victimes, eux aussi, des islamistes. L’usage du couteau, pour menacer, agresser, et éventuellement tuer, avait pourtant, jusqu’à ces dernières années, considérablement régressé, sinon pratiquement disparu, dans nos sociétés occidentales.
Une pratique répandue dans le passé en Occident
En fait le couteau est apparu très tôt dans l’histoire de l’espèce humaine. Le premier outil de silex a servi aussi bien à la chasse ou à des tâches domestiques qu’à tuer d’autres hommes. Longtemps, dans de nombreuses sociétés, les hommes portaient tous un couteau sur eux. Le climat social était, il faut le dire, très différent. Les agressions étaient fréquentes et les différends se réglaient souvent dans le sang. On était très sensible sur les questions d’honneur et de réputation. Un regard mal interprété suffisait à ce que l’on tire le couteau de son étui. À partir du XIIIème siècle, en Europe occidentale, ce qu’on appelle le « processus de pacification des mœurs », terme créé par le sociologue allemand Norbert Elias, a permis, lentement mais sûrement, de limiter le recours à la violence dans les conflits. Le port d’arme, notamment des couteaux de toutes les tailles que chacun portait à la ceinture, a été progressivement limité, puis interdit. Cela n’a pas été sans mal et il a fallu beaucoup développer la civilité, la politesse, pour que chacun accepte de se désarmer. On ne sort plus le couteau, on discute et, surtout, on réprime ses pulsions violentes. Le phénomène n’est pas propre à l’Occident, puisque le Japon, par exemple, renonce à la violence en instaurant des formes de civilité originales (et parfois difficilement compréhensible pour nous…). En Chine, on supprime l’usage du couteau à table pour éviter aux conflits de déboucher sur une violence irrépressible, d’où l’apparition des baguettes. Mais ce n’est pas le cas de tous les pays, où la vengeance au couteau reste une norme acceptable.
Depuis les apaches, plus de couteaux
En France, les derniers à revendiquer de jouer du couteau ont été les apaches, ces voyous parisiens de sinistre réputation de la Belle époque, qui arpentaient les barrières de Paris, avant qu’elles soient remplacées par le périphérique (comme quoi la voiture peut avoir, n’en déplaise aux écologistes, un rôle pacificateur…).
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En fait, il y a eu une criminalisation du port de couteau, et la police, comme la justice, sont devenues très fermes sur cette question. En avoir dans sa poche, même un Opinel, dans l’espace public, peut conduire à la prison. Je me souviens, il y a 20 ans, un collègue universitaire, fouillé par hasard dans le métro parisien par la police, qui avait un petit Opinel sur lui. Comme il revendiquait, de façon grincheuse, le droit de porter cette lame, le juge l’a condamné, alors même qu’il n’avait initialement aucune intention agressive.
Le couteau et l’échec de l’intégration
Jusqu’à il y a peut-être encore cinq ou dix ans, le port et l’usage du couteau avaient donc, du fait de cette ferme répression, pratiquement disparu en Europe. On l’a vu revenir en Angleterre, où, il y a quelques années, une véritable épidémie d’agressions et de bagarres au couteau a tout fait basculer. Le phénomène n’est pas sans rapport avec l’immigration. L’épidémie a gagné la France il y a très peu de temps, en lien aussi avec des déplacements de population en provenance de pays où les mœurs sont beaucoup plus tolérantes vis-à-vis du couteau comme arme du quotidien. Tous les immigrés ne sont pas concernés, notamment ceux qui, justement, viennent chercher en Occident des mœurs plus pacifiées, mais l’échec de l’intégration est aussi corollaire de l’importation et du retour de modes de vie avec lesquels l’Occident avait fait rupture.
À cela il faut ajouter que l’islamisme radical, devenu récurrent dans nos sociétés, a fait de l’égorgement un acte terroriste particulièrement spectaculaire. Le retour du couteau est le symbole tragique du formidable retour en arrière auquel nous assistons. L’effort de plusieurs siècles pour pacifier la société est en train, si nous n’y prenons pas garde, de s’effondrer sous nos yeux. Le retour de la civilité devient une urgence nationale.