Chroniqueur de la rubrique « Le Réquisitoire du procureur » sur Sud Radio, Philippe Bilger, ancien magistrat, est tenu de porter un jugement sur une affaire d’actualité. Mais les autres chroniqueurs sont là pour lui apporter la contradiction et tant mieux! Car ce qui caractérise Sud Radio – comme d’ailleurs CNews – c’est justement cet esprit de contradiction.
Créée à l’initiative de Cécile de Ménibus et de Philippe David, animateurs des Vraies Voix (Sud Radio, de 17 h à 19 h tous les jours de la semaine), je tiens depuis la mi-septembre la rubrique « Le réquisitoire du procureur ». Je l’apprécie tout particulièrement parce qu’elle me permet, en totale liberté, de choisir une multitude de sujets, qu’ils soient personnels, judiciaires, politiques ou culturels, et de développer en très peu de temps un point de vue doucement ou intensément à charge.
Ce droit à la diversité m’offre notamment l’opportunité de donner une place considérable à ma subjectivité, à ses humeurs, ses hostilités ou ses répugnances et de quitter le champ habituel des thèmes médiatiques pour, parfois, aborder la richesse de l’intime.
Contrairement à ce qu’on pourrait croire, il n’est pas si simple de choisir chaque jour un fait, une idée, un propos, une réaction, un déplaisir susceptibles de faire l’affaire pour le « proc » qu’on m’a demandé de redevenir !
Il arrive aussi que l’actualité soit si riche, si passionnante à divers titres que l’arbitrage à effectuer suscite mon embarras.
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Par exemple, pour la soirée du 8 décembre, j’ai hésité entre une première exécution en Iran, l’affaire en appel concernant notamment Nicolas Sarkozy et ses dénégations, la posture choquante de LFI préférant, au détriment de l’urgence du fond sur la réintégration des soignants non vaccinés, privilégier son opposition surjouée au RN, ce qui a contraint sa députée Caroline Fiat à retirer son texte…
Après réflexion, j’ai décidé de me consacrer à une quatrième actualité : le départ de Sciences Po d’une professeur de danse de salon, dénoncée et honnie parce qu’elle avait refusé de supprimer dans son cours la distinction entre les hommes et les femmes (Le Figaro).
Qu’on ne croie pas que le « réquisitoire du procureur » soit un exercice où aucune contradiction ne m’est apportée. On devine bien que face par exemple à Françoise Degois, Élisabeth Lévy ou Olivier Dartigolles, elle ne manque pas et a cette particularité d’être stimulante, d’imposer, en quelques occasions, un retour sur soi bénéfique, comme un doute sur la validité de ce qu’on venait à peine de déclarer.
Car ce n’est jamais la contradiction qui est dure à supporter – elle est indissociable de toute vie intellectuelle – mais, assez souvent, son caractère vain, dérisoire et pavlovien. Profonde, lucide, elle enrichit.
Je suis d’autant plus sensible à cette séquence rapide et solitaire qu’elle représente souvent un complément à ma présence sur CNews, deux fois avec Pascal Praud le lundi matin et le mardi soir et régulièrement à la Belle Equipe le vendredi avec Clélie Mathias.
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Je ne me lasse pas des joutes « judiciaires » avec le premier où, sans m’offenser, il me reproche une « haine » à l’encontre de Nicolas Sarkozy quand je lui impute une trop grande bienveillance fondée sur une méconnaissance, voire une ignorance de la réalité judiciaire ; la Justice étant, avec la Covid et l’équipe de France de foot, le domaine où chaque Français, après avoir été docteur et sélectionneur, se félicite, sans rien savoir, d’être juge contre les juges.
Je ne sais pas, à dire vrai, si mes échanges délicieusement aigres-doux avec ce talentueux et atypique animateur-chroniqueur sont sérieux ou relèvent d’une sorte de jeu où tous les deux nous nous enfermons dans une caricature qui nous amuse, en tout cas en matière de Justice.
On comprendra ainsi pourquoi, une à deux minutes « procureur » sur Sud Radio, je bénis cet instant où je peux libérer une parole laissée ensuite à la grâce des autres chroniqueurs, éventuellement contradicteurs.
Ce lien entre Sud Radio et CNews n’est pas artificiel : ils ne sont réunis que par cette petite chose qui s’appelle la liberté et le pluralisme (si on veut bien venir en profiter).
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