Dans son célèbre discours du 16 mars 2020 sur le coronavirus, le président de la République a affirmé, à plusieurs reprises, avec force, « Nous sommes en guerre ». Divers commentateurs ont relevé que cette terminologie n’était peut-être pas appropriée. Mais le fait est que le chef de l’État, incarnation du monarque (plus ou moins) républicain voulu par De Gaulle, engage, au moins dans une certaine mesure, l’appareil d’État par ses proclamations, surtout publiques, médiatisées, telles une « adresse aux Français » et prononcées avec une grave solennité.
De cet état de « guerre », nous avons vécu les effets liberticides : confinement à l’imitation de l’ignoble dictature chinoise, port du masque obligatoire, fermeture administrative de commerces et de nombreuses activités, état d’urgence, couvre-feu, et j’en passe.
Mais l’état de « guerre » implique, comme toujours en pareil cas, qu’il y ait des victimes et des non-victimes, des malheureux et des moins malheureux, voire des… profiteurs de guerre.
Des entreprises inégales face au coronavirus
Lorsque dans une vraie guerre, une famille voit sa maison détruite par une bombe, alors que ses voisins ont le bonheur d’y échapper, la nécessaire solidarité nationale et le principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques, impliquent que la charge des destructions occasionnées par la guerre ne soit pas supportée par ceux-là seuls, dont les biens ont eu l’infortune de se trouver « au mauvais endroit au mauvais moment », mais soit, au moyen d’un mécanisme de péréquation, répartie sur l’ensemble de la collectivité nationale. Cela a un nom : les dommages de guerre. Ceux-ci sont des fonds versés par l’État aux victimes de pertes patrimoniales, sans esprit de retour, ce sont des indemnités venant réparer un préjudice.
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Dans la « pandémie », les entreprises – et surtout les PME et TPE – ont souffert de manière très inégale des mesures sanitaires, justifiées ou moins justifiées, mais en tout cas imposées par la force : des discothèques et cabarets pour l’essentiel ruinés aux entreprises de transport ayant tiré leur épingle du jeu, en passant par les hôtels et restaurants très durement éprouvés, et des industries travaillant pour l’armement, toujours prospères, au commerce textile sinistré, en passant par les organisateurs d’évènements à demi ruinés et l’industrie pharmaceutique ou les plateformes Internet aux insolents résultats, le tableau des effets des mesures « de guerre » prises par l’État est très contrasté.
Au motif d’assurer la survie des entreprises les plus affectées a été mis en place une formule qui se voulait pleinement adéquate, si ce n’est miraculeuse : le Prêt Garanti par l’État (PGE). La formule se résume en peu de mots : l’entreprise menacée de défaillance du fait des mesures imposées, obtient de sa banque un prêt de trésorerie dont le remboursement est garanti par l’État pour 90% de son montant.
Un tsunami de faillites évité
Cette formule correspond à plusieurs arrière-pensées : charger le moins possible le budget de l’État, puisque celui-ci ne sera mis à contribution que si la banque n’est pas remboursée, laisser aux banques (du fait des 10% non garantis) la responsabilité de l’évaluation de l’entreprise emprunteuse, selon les critères normaux d’octroi de crédits et de prudence face à la sinistralité, éviter un tsunami de faillites en lissant les défaillances d’entreprises à venir, au gré des difficultés de remboursement de ces fameux « PGE » et surtout faire peser la charge finale du préjudice subi… sur la victime elle-même. Car le PGE, comme son nom l’indique, n’est pas une indemnité, c’est un prêt. De sorte que celui-ci, tôt ou tard, devra être remboursé.
Pour illustrer le propos, prenons le cas d’un hôtel de 60 chambres, bien situé et habituellement rempli à 90%, faisant un chiffre d’affaires de 150 000 euros/mois. Il ferme pendant huit mois, « suite virus » et perd donc 1,2 million de chiffre d’affaires. Il réussit à ne pas déposer le bilan du fait des charges qui continuent à courir (leasing de matériels, loyers immobiliers, impôts, assurances, parts de salaires non couvertes par le chômage partiel etc.) grâce à un PGE de 600 000 euros. Une fois la situation revenue à la normale – ce qui est loin de se produire comme par un coup de baguette magique parce que les contraintes sont, pour l’essentiel, levées – après une période intermédiaire pénible, notre hôtelier retrouve son rythme de croisière. Mais il ne pourra de toute façon remplir que 60 chambres au mieux. Le chiffre d’affaires perdu ne sera jamais rattrapé. En revanche, le remboursement du PGE viendra obérer sa trésorerie pendant des années. Et comme le PGE figure au passif de son bilan, c’est double peine : perte de chiffre d’affaires et donc de résultat pendant la période « sanitaire » et endettement alourdi, dont le remboursement interdira (ou amoindrira) pendant des années la distribution de bénéfices et les possibilités d’investissements.
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Ne parlez pas d’intérêt général à un patron de PME !
Cet exemple est transposable, mutatis mutandis, dans tous les secteurs touchés par les mesures « sanitaires ». Par l’effet du PGE, on fait supporter à l’entreprise victime du dommage de « guerre » la réparation de son propre préjudice. Elle ne bénéficie d’aucune solidarité nationale. On lui permet seulement de ne pas disparaître de suite, pour des raisons politiques, et on l’invite à panser ses plaies par ses propres moyens. L’entreprise est seule à porter la charge finale du dommage qui lui a été causé dans « l’intérêt général ».
Pire, en chargeant les banques de faire le tri, on condamne les entreprises les plus fragiles, celles qui n’ont pas fait de bénéfices en 2019 et auxquelles les banques (du fait des fameux 10%) refusent de prêter. Tels les prédateurs de la jungle s’attaquant aux herbivores les plus faibles du troupeau, la Covid mute en un improbable instrument de darwinisme entrepreneurial, précipitant la ruine d’entreprises fragilisées mais qui pouvaient se redresser et que les banques laisseront au bord du chemin. Bien loin de l’effort de solidarité présenté, le PGE se révèle comme un moyen de faire supporter aux seules entreprises victimes la charge du dommage causé et d’accélérer la ruine de nombre d’entre elles qui auraient pu être sauvées.
La seule solution pour réparer les effets de cette faute juridique et morale consisterait à transformer les PGE en indemnités, l’État prenant l’initiative de rembourser les banques aux lieu et place des entreprises emprunteuses. Pour compenser cette dépense, il faudrait faire un inventaire de dépenses inutiles à supprimer. Il y a pléthore ! Et si l’on veut éviter un « effet d’aubaine » pour les « profiteurs de guerre », il suffirait d’exclure du dispositif les entreprises cotées en bourse.
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