Le président de la République a quitté le socialisme et on peut dire aussi que le socialisme l’a quitté. Tant mieux.
J’admets que ses récents voeux n’ont pas constitué un tournant mais qu’ils ont amplifié sa vision social-démocrate en matière d’économie, de finance, de réduction des déficits et et de lutte contre les abus de la Sécurité sociale au point de combler d’aise tous ceux qui attendaient, espéraient de lui lucidité et pragmatisme. Il a si bien réussi son évolution que son discours a laissé sans réaction ses opposants classiques (Le Monde).
Mais il ne saura jamais totalement accomplir une mue qui le ferait ne plus se reconnaître. Il a besoin de gauche quelque part. Tant pis.
Sous le poids accablant de la réalité, il a déserté le socialisme pour cultiver chaque jour davantage son ersatz médiocre : la gauche gnangnan.
Il y a en effet une certaine manière d’évoquer en permanence les principes et les valeurs, qui révèle plus une impuissance qu’une force. Non plus une lumière qui inspire et éclaire l’action et la politique mais une sorte de substitut bâtard à leur insuffisance.
Quoi qu’on pense du mariage pour tous et même si cette loi résultait d’un engagement présidentiel, cela a commencé avec ce bouleversement. On a fait plaisir aux homosexuels qui tous ne le réclamaient pas. Le sentiment plus que la nécessité.
La pitoyable gestion de l’affaire Leonarda où le président, à cause de la maladresse d’une proximité démagogique, s’est et a été ridiculisé. Le coeur dévoyé.
Le discours exigeant obstinément intransigeance, inflexibilité et vigilance, non pas à l’encontre de la délinquance et de la criminalité ordinaires, immédiates et ostensibles mais dans la seule lutte contre le racisme et l’antisémitisme. On a pu constater à quel point ses instructions de fermeté aux préfets dans ce domaine ont déteint sur les gardes à vue au quotidien puisque deux lycéens, pour un montage avec le geste de la quenelle, sur plainte d’un professeur au nom de rien de moins qu’apologie de crime contre l’humanité !, se sont retrouvés peu de temps dans cette situation contraignante. Nous ne sommes plus dans l’état de droit mais dans l’état grotesque. Le totalitarisme de la bonne conscience.
Le soutien dangereux sans cesse octroyé à sa garde des Sceaux sans tenir compte de la substance infiniment mince de son bilan ministériel mais par égard pour une personnalité qui le fait tomber dans des abîmes de ravissement authentique ou feint. Qu’on se souvienne de leur équipée qui les a rendus si satisfaits d’eux-mêmes en Guyane. La sensibilité dénaturée.
L’indifférence à l’égard des provocations et outrages qui ne concernent pas le champ strict de ses indignations idéologiques. On peut laisser profaner les églises et uriner sur les autels par les Femen qui créent, elles, un si petit trouble, et sans doute tellement compréhensible ! L’émotion récusée.
Cela va continuer. Et de plus en plus. Nous allons payer chèrement, là, la rançon de sa sagesse ici. Il va nous enivrer de gauche gnangnan pour se consoler de l’éloignement du socialisme. Il ferait beau voir que le réel imposât sa loi partout !
Surtout, qu’on ne se méprenne pas. Personne ne l’oblige à faire preuve de ces dispositions moralisatrices, comme si le progressisme n’avait le choix qu’entre se trahir ou se caricaturer. Que je sache, un Pierre Joxe, avant qu’il devienne avocat, authentiquement socialiste, était aux antipodes de la gauche gnangnan. Ce qui pourrait distinguer une certaine rigueur de droite et de gauche est que précisément la rectitude affichée par cette dernière devrait résister aux facilités, ne pas tomber dans l’humanisme abstrait, confortable et verbal mais s’en prendre à tout ce qui déchire effectivement notre société. Il faut plus de courage pour tenir ferme l’état de droit – et moins de sensiblerie affectée.
Je crains que nous ne puissions, pour ceux qui l’ont fait élire, jamais totalement féliciter François Hollande. Certes, le socialisme n’est plus qu’une nostalgie pour lui. Mais la gauche gnangnan fait des dégâts. Rien de plus dévastateur qu’une sensibilité mal placée au sommet de l’Etat.
Le tournant à applaudir serait celui qui le conduirait encore un peu plus loin. Encore un effort, un abandon, et il pourrait devenir le président réaliste de tous les Français.
*Photo:WITT/SIPA.00672567_000005
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