La Fête du Travail a beau être fériée et payée, hier les raconteurs d’histoires n’ont pas chômé. On passera vite sur le cas de Bayrou qui s’est fendu d’un tweet spécial Premier mai pour faire croire qu’il n’était même pas mort, sur celui de Marine qui a eu quand même un peu de mal à nous vendre comme le scoop du siècle le rituel ni-ni de second tour du FN, et on aura au passage un rien pitié de Mélenchon qui a l’air sincèrement persuadé d’être le propriétaire en titre du cortège syndical. On se concentrera donc sur les âneries et autres contrevérités cinglantes proférées du côté du sortant ainsi que de son challenger, et croyez-moi, il y a de quoi faire.
Côté Hollande, le Bérégovoy show de Nevers avait l’air conçu par un créatif à queue de cheval qui n’aurait pas respecté la dose prescrite de cocaïne. Il fallait beaucoup d’inculture politique et une sacrée dose de naïveté pour ne pas voir le but principal de la manœuvre : permettre au candidat de la gauche de parler au monde du travail sans l’obliger à prendre le risque de s’insérer dans un cortège où il se serait sans doute trouvé quelques mauvais coucheurs pour lui rappeler, par exemple, qu’en matière de retraite, il est quasiment aligné sur Sarkozy. Mauvais pour l’image de se faire siffler par un prolo à Denfert, allons voir s’il fait meilleur à Nevers…
Sans vouloir cracher sur les tombes, je trouve qu’on aurait quand même pu trouver mieux que Béré comme working class hero. Je sais bien que le Panthéon socialiste compte plus d’énarques que de métallurgistes, mais bon… Les commentateurs accrédités de la caravane Hollande ont peut être des mémoires de poisson rouge, moi pas.
Si Pierre Bérégovoy a symbolisé quelque chose de son vivant, ce ne fut sûrement pas les combats de la classe ouvrière mais plutôt l’obsession du franc fort, la désinflation compétitive, la désindustrialisation érigée en dogme, bref la réconciliation de la gauche et des valeurs du grand capital sous la houlette de Bruxelles. Souvenez-vous de Maastricht, c’était sous Bérégovoy. Par déférence pour les morts, je n’épiloguerais pas sur l’affaire Péchiney ou le Crédit Lyonnais. Et par mansuétude pour les vivants, on n’insistera pas non plus sur la chaleur humaine dont ont fait preuve la plupart des camarades socialistes de Pierre Bérégovoy dans les semaines qui vont de son départ de Matignon à son arrivée sur les bords du canal.
Passons maintenant à Nicolas Sarkozy. On n’ira certes pas lui reprocher de tenir meeting le Premier mai, comme l’ont fait les décérébrés de l’Huma ou de Libé. Si j’ai bonne mémoire, le premier mai 2007, j’étais à Charléty avec 40 000 autres pèlerins à applaudir Ségolene Royal qui tenait là son grand meeting de l’entre-deux-tours. Je dois la vérité historique de préciser que j’y arborais un badge artisanal fait maison où l’on pouvait lire : « La France qui se couche tard vote Ségo ». Exit la fatwa contre les meetings du premier mai.
Nicolas avait donc parfaitement le droit de parler ce jour-là, c’était pas une raison pour raconter autant de conneries. Certes, sa furie anticommuniste nous a agréablement rajeunis de 30 ans mais la ficelle bolchevique est un peu épaisse, et on ne voit pas quelles voix il va ramener dans son escarcelle avec la peur du cosaque. Oui, ces envolées sarkozystes sur la menace socialo-communiste étaient aussi épiques qu’improductives. Je veux bien que l’électeur bayrouiste soit crétin, mais pas au point de croire qu’Hollande va nationaliser les coiffeurs et brûler les églises. On pourrait penser que la dénonciation forcenée du hideux drapeau rouge par le président pourrait lui attirer quelques voix lepénistes de plus, sauf que la frange la plus droitière de cet électorat lui est déjà acquise et que le drapeau rouge effraie bien moins l’électeur prolo néolepeniste que le logo de Pôle emploi, le halal généralisé à la cantine ou même les gender studies obligatoires instituées par Luc Chatel…
Non, le drapeau rouge ne méritait ni autant d’horreur ni autant d’indignité : on rappellera qu’il était aussi cher que le drapeau tricolore au cœur d’un certain Guy Môquet…
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