Madame,
Le 14 mai dernier, nous vous mettions en garde de la manière la plus prévenante possible, vous et votre président de compagnon : « François Hollande doit donc comprendre, avant qu’il ne soit trop tard, que les Français ont besoin de souffler un peu. Que Valérie Trierweiler doit être discrète. Pour son bien à elle, son bien à lui, et notre tranquillité à tous. Et parce que, il l’a promis, le changement, c’est maintenant ! » Puisque vous semblez être une femme de caractère, ce que nous ne saurions vous reprocher, vous ne nous donnerez pas quitus. Mais puisque vous êtes aussi, malgré tout, une femme intelligente, peut-être lirez-vous avec attention ce que nous avons à vous dire.
Henri Guaino l’a dit sur l’antenne d’Europe 1 : s’il n’est pas lui-même sur twitter, c’est qu’il pense que c’est dangereux. L’ancien conseiller spécial à l’Elysée qui connaît son caractère sanguin, et qui l’a d’ailleurs montré à deux ou trois reprises sur des plateaux de télévision, sait qu’il pourrait être amené à réagir un peu trop vivement à certaines interpellations virtuelles. Pour un observateur anonyme, twitter ne présente pas les mêmes dangers. On peut y dire une bêtise, au pire on se fera taquiner pendant deux jours, au mieux, elle passera inaperçue. Mais pour Henri Guaino ou vous-même, l’exercice est davantage périlleux. Il fut un temps où lorsqu’une personnalité était en colère et qu’elle avait une soudaine envie de dire son fait au monde entier, une secrétaire prévenante ou un chef de cabinet avisé mettait sous le coude le projet de communiqué pour l’AFP le temps que la colère retombe et que la raison revienne. Maintenant, il y a twitter. Et twitter tient dans votre poche ou votre sac à mains.
Vous avez le droit d’être en colère. Il est humain de ne pas pouvoir encadrer l’ex de celui ou celle qui partage sa vie. Cela arrive à des femmes et des hommes très bien. Mardi matin, vous n’étiez pas contente que François Hollande ait ouvertement apporté son soutien à Ségolène Royal et vous avez décidé de le faire savoir à la Terre entière, à cinq jours du second tour des élections législatives. Vous avez ainsi fait exploser la communication du Président de la République qui se targuait d’être différent, forcément différent, de son prédécesseur, ne mélangeant pour rien au monde vie privée et vie publique. En 137 signes, soit trois de moins qu’en autorise twitter. Vous n’ignorez pas que la France reste un pays profondément marqué par des siècles de monarchie. Le réseau twitter, d’ailleurs, ressemble un peu à la Cour, où un bon mot peut tuer comme dans le film de Patrice Leconte, Ridicule. Comme à la Cour, il y a une hiérarchie qui n’est pas formalisée par les titres de noblesse mais par le nombre d’abonnés. On y trouve presque tous les journalistes, les éditorialistes, les hommes politiques, bref ceux qui comptent ou souhaiteraient compter davantage dans le théâtre médiatique. A la Cour twitter, comme parmi le Peuple, on continue aussi, même à notre époque de familles décomposées et recomposées, à préférer Marie-Thérèse d’Autriche à Louise de la Vallière et à la Montespan. C’est comme ça : elle était là avant. Que Ségolène Royal n’ait pas été davantage mariée que vous à François Hollande ne change rien à l’affaire. Une journaliste politique comme vous connaît l’histoire, les ressorts politiques profonds de notre pays et aurait dû anticiper le tourbillon médiatique qui l’emporterait. Désormais, quoi qu’il arrive, on vous accusera d’avoir précipité la défaite de Ségolène Royal, quelques autres députés défaits dimanche prochain voyant sans doute eux aussi en vous la coupable idéale.
Pour ne pas finir comme l’Abbé, superbement joué par Bernard Giraudeau dans Ridicule, abandonné de tous – et du premier d’entre eux- pour le mot de trop, il vous reste une solution. Il faut vous arracher à cette Cour aux poisons dangereux. Vous le savez, d’ailleurs, puisque vous aviez confié il y a quelques semaines que François Hollande n’avait qu’une chose à craindre, vos twitts ! Puisque vous vous savez capable d’y commettre des bêtises, pourquoi y rester ? Puisque vous êtes accro, pourquoi ne pas faire disparaître de vos mains l’objet de votre addiction ? Un alcoolique continue t-il de vivre au milieu de bouteilles ?
Fermez votre compte twitter ! Vous rendrez service à tout le monde. Au Président de la République. A la qualité du débat public. Et à vous, par la même occasion.
*Photo : Metal_aben
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