Même si elles n’ont pas toujours « bonne presse », les illustrations et les parodies sont à la mode. Les dessins humoristiques qui ornent la nouvelle édition du « petit Freud illustré » paru aux Editions de l’Opportun, feront sans doute bien des heureux chez les psychanalystes – et leurs patients en fin de parcours – toujours prêts à sourire de leur métapsychologie et fidèles en cela à Freud qui fut lui-même un « pessimiste joyeux ». La « préfarce » signée par René Roussillon y contribue : le professeur émérite de l’Université Lumière-Lyon II cautionne cette sympathique mise en dérision d’une pratique et des institutions, lui qui rappelle au passage « être patenté de la plus ancienne société d’analystes de France ».
Ce livre est à proprement parler psychanalytique : on ne sait pas par quel bout le prendre ! Un peu comme un symptôme qui chercherait à vous attirer dans ses filets afin de mieux vous égarer : il se présente sous la forme sérieuse d’un abécédaire mais à peine les premières pages parcourues, le lecteur non averti – résistant à l’analyse ? – se trouve désorienté, lâché en rase campagne. Quelques exemples : à la rubrique « Autoérotisme » là où un Pr Laplanche – le seul traducteur des œuvres complètes de Freud n’est mentionné que dans la bibliographie – aurait consciencieusement évoqué un « temps second », celui d’un « rebroussement » de la sexualité sur soi-même après un épisode de séduction originaire par un adulte, les deux auteurs « psy » évoquent une « conduite non accompagnée et la plupart du temps décapotable ». Et de citer Woody Allen dont les trente années passées sur un divan l’autorisent de lui-même à expliciter la notion : « C’est toujours l’occasion de faire l’amour avec quelqu’un qu’on aime bien. » Cela reste encore à prouver ! A la matière « Objet », cela commence doctement : « concept central de la psychanalyse » mais dérape au final : « l’objet partiel peut concerner la femme, on parle alors de « cornichons ». Suivent deux illustrations dont un cactus bien phallique présenté comme « objet anaclitique pour maso » – tiens, nous pensions qu’anaclitique devait être banni du vocabulaire de la psychanalyse pour cause d’égarement traductif – et une araignée qui se laisse lentement choir du plafond sur un divan occupé : situation idéale pour un phobique. A « Restes diurnes », l’on découvrira un gentil quatrain qui ne vaut tout de même pas un Roubaïyat d’Omar Khayyam. Certes, une fois ce « petit Freud » décortiqué pendant une séance de cinquante minutes, l’analyste jubile. Sans jouir. Le patient lui aussi savourera. Mais quid du profane ? Il restera à ce dernier, tout comme Ronald Reagan découvrant chaque matin le « President’s daily brief », la revue la plus exclusive des renseignements top secret de Washington, la possibilité d’en commenter par défaut les images. Ou de se reporter aux « Pages roses » et autres « Locutions latines et étrangères » consignées en fin d’opus. Enfin, comment reconnaître un psychanalyste ? C’est le seul à vous « proposer en soirée, un café…allongé ». Il fallait oser !
Le petit Freud illustré par Damien Aupetit & Jean-Jacques Ritz
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