Qui gouvernera après Macron ? Qu’il aille au bout de son mandat ou pas, plus aucun parti « de gouvernement » ne surnage dans les sondages. La France des gilets jaunes semble prête à expérimenter ce qui n’a pas encore été essayé: Le Pen ou Mélenchon, dont les programmes économiques pourraient, selon Stéphane Germain, mener la France au « shutdown ». La prise de conscience qui en résulterait serait salutaire…
Personne ne misant un kopeck sur le « Grand débat » en cours, la France se fait lentement à l’idée d’une arrivée au pouvoir, tôt ou tard, de Marine Le Pen ou de Jean-Luc Mélenchon (voire des deux ensembles). Tels Mitterrand en 1981 ou Alexis Tsipras en 2015, ils seront dotés d’un programme économique suicidaire, nullement handicapant (au contraire) pour accéder aux plus hautes (ir-)responsabilités.
En France, on n’obtient rien pacifiquement…
Les gilets jaunes qui sèment la panique dans les rues et chez les commentateurs constituent leur avant-garde. La gauche y voit la validation de ces thèses redistributives – partage des richesses, relance de la demande, taxation des plus riches. De son côté, la droite retrouve au sein des jaunes ses préoccupations – fiscalité confiscatoire, Etat intrusif, projets sociétaux pour les minorités heurtant la majorité. Tous admettent toutefois à mots couverts que les gilets fluos figurent cette France péri-urbaine humiliée à qui on n’a pas donné voix au chapitre et qu’on emmerde depuis trente ans. On a ainsi fait crever les bars-tabac-PMU de nombreux villages avec une loi anti-tabac applaudie uniquement dans les métropoles. Fermeture des postes, contrôles techniques hors de prix, limitation à 80 km/h et déploiement de milliers de radars ont fini de convaincre cette frange des Français que Paris voulait juste leur pourrir la vie.
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Les jaunes ne sont pas atteints d’Alzheimer et leur mémoire fonctionne parfaitement. La mobilisation pacifique de la Manif pour Tous ou à l’inverse, les mœurs violentes des zadistes ont laissé des traces. Qu’ont obtenu les cathos-tradis non-violents ? Rien. Quel bilan en revanche pour les anarchistes zadistes casseurs malgré un référendum (tiens, tiens) gagné haut la main en faveur de la construction d’un aéroport à Notre-Dame-des-Landes ? Vous avez compris. Les jaunes aussi.
Y a-t-il un pilote dans l’avion France ?
La gauche (et les médias) surfe tranquillement sur l’inculture économique française savamment entretenue par des décennies de budgets déficitaires et d’augmentation éternelle de la dépense publique. Les jaunes ne croient tout simplement pas à cette histoire de dette abyssale et se fichent éperdument des critères de Maastricht. Tant que Bercy trouvera 180 000 euros annuels pour rémunérer une Chantal Jouanno, aussi utile qu’un rond-point, le « Peuple » réclamera lui aussi du pognon. Comment l’en blâmer ?
La droite n’a pas moins raison de fustiger des choix sociétaux jamais soumis au suffrage universel, à commencer par l’immigration et la société multiculturelle, ou une fiscalité délirante qui empile impôt sur le revenu et CSG, le tout accompagné de subtilités byzantines.
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Parallèlement pourtant, on observe la disparition progressive des partis qui ont gouverné notre pays et qui sont donc directement responsables de cette situation. PS et LR ne sont plus que des ectoplasmes, comptant moins de 10% d’intention de vote, quand ce n’est pas 5%. Il ne reste plus que le centrisme macronien comme parti dit « de gouvernement », un mouvement trop récent pour s’être ancré dans les territoires et détesté désormais comme aucun. A l’issue du « Grand débat », le gouvernement en place cherchera pourtant, quoiqu’il dise, à faire rentrer dans les clous européens les comptes publics français et les espoirs des gilets jaunes de gauche ne peuvent qu’être déçus. Ceux de droite ne seront pas plus entendus : la baisse des impôts est un rêve inaccessible, faute de baisse des dépenses, et on voit mal les soutiens de Macron tolérer un renoncement à la GPA ou un strict contrôle de l’immigration ou des dépenses sociales. Si Macron ne se succédait pas à lui-même en 2022, ou avant s’il démissionnait, qui prendrait le pouvoir dans ce pays ? Peut-être un nouveau venu, un Macron bis tel le général De Villiers qui arriverait porté par une aspiration de retour à l’ordre soutenue par les gagnants de la mondialisation et ceux – fonctionnaires et retraités – qui en sont à l’abri, lassés des violences.
La France insoumise, les marchés vont adorer
Mais le plus vraisemblable, c’est que Marine Le Pen (ou sa nièce Marion) finisse par arriver au pouvoir entre 2020 et 2027, puisque c’est la seule option politique non encore testée. L’hypothèse Jean-Luc Mélenchon, existe, même si son tropisme en faveur de l’immigration et de l’Islam le leste d’un handicap sans doute insurmontable.
La Grèce nous fournit du reste un bon exemple de scénario « populiste ». Après avoir subi l’irresponsabilité de la gauche (Pasok) et de la droite (Nouvelle Démocratie) pendant quarante ans, elle a confié les clés du pouvoir à Alexis Tsipras au programme révolutionnaire, hostile aux « diktats de Bruxelles ». On sait ce qu’il est advenu ensuite. Face à la perspective d’une sortie de l’Euro et de l’Europe, un référendum a autorisé Tsipras à mettre en œuvre la politique libérale qu’il avait juré de combattre.
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Avant la Grèce, la France avait elle-même testé en 1981 une « expérience » socialiste. Arrivé au pouvoir avec un programme économique séduisant pour le peuple d’alors (citons la retraite à 60 ans, thème repris aujourd’hui par Mélenchon et Le Pen), elle a dû en rabattre dès 1983 lorsque l’Europe et surtout l’Allemagne ont sifflé la fin de la récréation.
Une fois donc installés à l’Elysée ou Matignon, Le Pen ou Mélenchon tenteront de mettre en œuvre leur politique. Mais ils n’auront pas deux ans. Les marchés financiers leur laisseront au mieux deux semaines – salopards de capitalistes à qui nous demandons chaque mois 20 milliards pour payer nos fonctionnaires et nos magnifiques ronds-points. Lorsqu’ils couperont l’assistance respiratoire qui nous maintient en mode végétatif depuis trente ans, nous pourrons commencer à discuter sérieusement.
Le Pen vite, très vite…
Nous aurons l’occasion, comme nos amis d’Amérique, de tester une version française du « shutdown ». La France comprendra alors peut-être ce que les mots déficits, dettes et dépenses publiques recouvrent. En contemplant des administrations fermées et des hôpitaux animés par un personnel bénévole en manque de médicaments, il sera temps de se demander comment font les Allemands pour faire fonctionner leur pays avec 280 milliards de moins par an – et sans ISF. Nous verrons donc Mélenchon ou Le Pen aller à Canossa comme Tsipras ou Mitterrand en leur temps. Mais bonne nouvelle, une fois ramenés à la logique comptable de Bruxelles, il restera au président Le Pen ou Mélenchon la possibilité de mettre en œuvre des réformes « sociétales ». Les Français auront alors sans doute l’occasion de s’exprimer sur l’immigration ou la clope dans les rades de campagne. Ce sera toujours ça de pris.
La faillite en définitive n’est peut-être pas la plus mauvaise des options puisqu’il est désormais irréaliste de croire en une quelconque possibilité de réforme macronienne consensuelle. Le plus tôt sera d’ailleurs le mieux pour sortir du chaos. Vivement le « shutdown » !
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