La « Coupe de France de memes » réunit 75 000 internautes. L’occasion d’expliquer ce que sont les « memes » et autres « neurchis » pour la « génération Facebook ».
Alors que certains se passionnent pour la Ligue des champions ou attendent déjà les premières percussions de Roland Garros – autant d’événements qui risquent de pâlir à cause du coronavirus – les écumeurs de Facebook, à commencer par les 15-25 ans, se prennent de passion pour la « coupe de France de memes », suivie par près de 75 000 internautes.
Que sont les memes ? Pour faire court un meme est une image détournée dans un autre contexte et souvent accompagnée d’un texte ou d’un sous-texte. Le meme, souvent composé d’une image et d’un texte d’introduction, illustre une situation quotidienne, politique ou historique grâce à un dessin ou à une photo détournée.
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Ces memes, on les trouve à la pelle dans des groupes que l’on appelle des « neurchis » (« chineurs » à l’envers) et qui ont chacun une thématique bien particulière. Un neurchi « OSS 117 » détournera par exemple exclusivement des plans ou des répliques de la comédie d’Hazanavicius et de Jean Dujardin. C’est ainsi que naissent des stars digitales à l’instar du célèbre Joe Kovic qui sévit sur plusieurs de ces groupes en levant chaque fois une ondée de rires digitaux.
Le meme et la politique
Comme tous les arts, celui du meme confine parfois à l’expression politique. Le groupe « neurchi d’OSS 117 » donne lieu à de nombreuses controverses sur l’engagement politique du film : dénonce-t-il le mâle blanc ou le célèbre-t-il avec une figure maladroite mais faisant toujours triompher le Bien ? Le film est-il diversitaire ou se moque-t-il au contraire des minorités qui se vexent d’un rien et ayant la nostalgie d’une liberté de ton révolue ?
Le meme est si politique que ceux qui en font profession l’utilisent déjà dans leurs campagnes.
Pepe fait de la résistance
Le meme trouve d’ailleurs son origine chez Pepe la grenouille, une figure fictive de bande dessinée qui s’est rendue célèbre lorsqu’elle a massivement été utilisée par les soutiens de Donald Trump en 2017, en particulier sur le site d’alt right 4chan où des internautes s’échangent des images de toute nature. Le « Trumpepe » prend son essor sur la toile jusqu’à ce que Donald Trump lui-même partage en octobre 2015 une image de Pepe devant un podium présidentiel. En septembre 2016, son fils en publie un autre, suscitant une réaction de l’équipe de campagne d’Hillary Clinton qui publie un article dénonçant Pepe comme un symbole suprématiste intitulé « Cette grenouille est plus sinistre que vous ne le pensez ».
Le meme est-il « populiste » ?
Les valeurs des membres les plus actifs de 4chan ou Reddit sont souvent conservatrices. En France, certains comptes de memes affichent clairement une teinte politique anti-élites, à l’instar du groupe « BFMemes », qui se gausse de BFM, du gouvernement Macron et de son service après-vente médiatique supposé. Malgré l’association du meme a un imaginaire « populiste » – ce qui s’explique en partie par le fait que les élites ne veulent plus rigoler de grand-chose –, Michael Bloomberg avait même tenté de se positionner sur cette vague en s’offrant pour sa campagne les services de gros « memeurs », notamment sur Instagram.
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Inversement, le meme est devenu un moyen d’expression pour les délaissés de la mondialisation et les gilets jaunes du monde entier qui s’unissent pour tourner en dérision, par l’image, les élites mondialisées : le rire politique n’est pas nouveau, mais celui-ci se rend accessible aux plus démunis.
Comme si, après le règne d’images consensuelles destinées à soutenir une idéologie lénifiante, le meme s’avérait être le jumeau maléfique et trash, né de la possibilité de fabriquer son propre contenu médiatique grâce à Internet.
Le rire, disait Romain Gary, est l’arme des faibles. Peut-être faut-il comprendre le meme comme un rire libérateur pour certains, un défrocage des élites pour d’autres, ou tout bêtement un peu d’humour virtuel.
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