À quoi cela tient-il ? À l’air du temps ? À l’inquiétude diffuse que suscite une jeunesse supposée désorientée ? À l’obscur sentiment de fin d’un monde qui nous pousse à nous raccrocher à ce qui est éternel : l’écho intime et intact des premiers émois ? Ou, tout bonnement, au hasard des programmations ? En tout cas, cette année 2017 s’ouvre avec trois films français qui ont le même thème : l’entrée dans l’âge adulte, la découverte par de tout jeunes gens de l’amour, de ses espoirs et de ses blessures.
Parmi ces trois films, l’histoire la plus simple est celle que raconte Damien Manivel dans Le Parc : deux adolescents se retrouvent dans un jardin public, commencent à peine à s’aimer, puis le garçon renonce et laisse la jeune fille seule dans le parc, peinée, désorientée. Le jeune réalisateur fait preuve d’une grande délicatesse vis-à-vis de ses personnages qui ont d’évidence quelque chose à voir avec ceux des contes moraux de Rohmer. L’épure du scénario, son minimalisme, la dimension onirique de la seconde partie tournent toutefois le dos au grand public, et exigent – trait de jeunesse – des spectateurs disponibles pour un cinéma plus poétique que classiquement narratif. Il n’en demeure pas moins que chaque cadre, chaque image de ce film ne sont pas seulement rigoureux mais d’une esthétique parfaite, troublante.
“The Park – Le Parc” – Damien Manivel TRAILER par filmow
Compte tes blessures, de Morgan Simon, ne séduira pas pour les mêmes raisons. La réalisation est plus tournée vers le récit, la tension d’une histoire qui rassemble et déchire un père (Nathan Willcocks), sa compagne (Monia Chokri) et son grand fils (Kévin Azaïs). Si Le Parc pouvait faire penser à l’histoire antique de Daphnis et Chloé, il est ici plutôt question du mythe d’Œdipe, de la [access capability= »lire_inedits »] rivalité père-fils – mais mise en scène dans un décor urbain et avec une approche quasi naturaliste du contexte social. Même si les trois acteurs sont épatants, la réussite du film doit beaucoup au seul Kévin Azaïs qui ne crève pas l’écran – il le brûle de son incandescence charnelle, de sa générosité érotique et naïve. De films en films, ce jeune acteur donne tout. Il effraie même de tant de candeur et de force mêlées, portant dans son regard quelque chose de tragique et d’éblouissant. Un James Dean de notre temps dont on prie pour qu’il ne roule pas trop vite.
COMPTE TES BLESSURES Bande Annonce (2017) par fredericsauvage1
On tremblera également pour Suzanne, Marco et Mehdi (respectivement Lola Créton, Kamel Kadri et Alain Demaria – si, si, dans cet ordre), les trois jeunes héros du dernier film de Dominique Cabrera, Corniche Kennedy, adapté du roman éponyme de Maylis de Kerangal. Eux risquent leur vie – pour mieux la sentir, palpitante – en plongeant du haut des rochers des calanques de Marseille. Jules et Jim marseillais, ces trois-là hésitent à savoir tout à fait qui aime qui. Qu’importe d’ailleurs, à ce moment de leur vie, fugace, déjà menacé, mais qui précède encore les premiers choix. Avec une formidable empathie, Dominique Cabrera a su capter le mélange d’invincibilité et de fragilité de ses jeunes héros et les accompagner dans ce qui sera leur « dernier été ». Ou leur tout premier.
CORNICHE KENNEDY Trailer (2017) Teen Drama… par lsnd
Le Parc, en salles le 4 janvier. Compte tes blessures, en salles le 25 janvier. Corniche Kennedy, en salles le 18 janvier.[/access]
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