À l’étroit dans la tradition, le pape François souhaite convertir l’Église à la foi progressiste. Alors qu’un synode a commencé, le souverain pontife envisage de bénir des couples LGBTQ+, divorcés ou polygames, et de reconnaître le mariage des prêtres, l’ordination des femmes… Au risque de diviser une communauté en perte de fidèles.
Le 4 octobre s’est ouvert à Rome le synode sur la synodalité. Il donnera lieu à une seconde session en octobre 2024, puis à une exhortation apostolique.
À peine commencé, il suscite son lot de polémiques ! Le huis clos, décidé malgré l’avis défavorable de certains responsables de la Curie, n’a pu cacher les embarras causés par les prises de position d’un souverain pontife fort peu traditionnel, qui courtise toutes les grandes causes du progressisme.
Sans doute, j’exagère un peu. Le progressisme de François est tout « Vatican » : officiellement, il est toujours contre l’ordination des femmes, le mariage homosexuel, l’avortement, l’euthanasie. Mais dans le même temps, ses prises de position régulières sur des sujets particulièrement sensibles sont récurrentes, et parfois franchement provocantes : en 2021 déjà, par le motu proprio Traditionis custodes, il réduisait la possibilité de célébrer les messes tridentines (les fameuses « messes en latin »), annulant en grande partie le motu proprio de Benoît XVI (Summorum pontificum, 2007) ; sa réforme de la Curie romaine a été remarquée ; et l’on n’oubliera pas qu’il s’est rendu « à Marseille, pas en France », selon ses propres mots, pour une intervention relative à la question migratoire dont il a fait le sujet majeur de son pontificat.
Une litanie de grands sujets
Il aurait été dommage de s’arrêter en si bon chemin. Ainsi, avant l’ouverture du fameux synode, les catholiques du monde entier ont pu réfléchir aux « grands sujets » de l’avenir du catholicisme, grâce à un document préparatoire publié par le Vatican : au programme, l’accueil des personnes LGBTQ+ et des divorcés, la polygamie, le mariage des prêtres ou la place des femmes au sein de l’Église. Et ce n’est pas tout : pour la première fois depuis la création des synodes, les femmes et les laïcs non consacrés (parmi lesquels l’activiste d’une ONG qui vient en aide aux migrants en Méditerranée) pourront prendre part aux votes. Une petite révolution qui est tout sauf anodine : le diable est dans les détails ! Comme l’ont signalé des observateurs avisés, la présence de femmes, et surtout de laïcs, indique en effet une volonté claire de rendre « concrets » un certain nombre de changements.
Face à une telle charge, cinq cardinaux conservateurs ont adressé, le 10 juillet dernier, des « doutes » (dubia) au pape François. Après une première réponse jugée insatisfaisante, ils les ont réitérés le 21 août. Le pape, au début du mois d’octobre, a rendu publique sa lettre de juillet : l’immuabilité de la Tradition ? « Tant les textes de l’Écriture que les témoignages de la Tradition nécessitent une interprétation qui permette de distinguer leur substance pérenne des conditionnements culturels. » Les unions homosexuelles ? « La prudence pastorale doit […] discerner s’il existe des formes de bénédiction » ; le pape peut ajouter « qui ne véhiculent pas une conception erronée du mariage », le ver est dans le fruit. L’ordination des femmes, que Jean-Paul II rejetait de manière définitive ? François tergiverse. « On n’a pas encore développé une doctrine claire, et qui fasse autorité, sur la nature exacte d’une “déclaration définitive”. » Sans doute, la déception des cardinaux a été à la hauteur de leurs appréhensions !
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Mais pourquoi donc cliver ainsi une communauté religieuse en perte de fidèles ? Pourquoi s’atteler au délitement de la tradition religieuse alors que la famille, la nation ont déjà subi les assauts destructeurs d’une idéologie qui efface peu à peu tous les cadres ? Le christianisme est aussi une pierre, il est consolateur, il est surtout civilisateur : pourquoi chercher à en briser la matérialité ? Par bon sentiment ? L’enfer est pavé de bonnes intentions, hélas. Si tout espoir n’est pas perdu, l’avenir du catholicisme, soumis à la montée du progressisme dans l’Église, est bien imprévisible. On assiste en effet, depuis quelques années, à une recrudescence des fidèles au missel d’avant Vatican II. Cela n’est pas mauvais ; ce qui ne laisse pas d’être inquiétant, c’est que la ritualisation nouvelle d’une partie de la jeunesse chrétienne commence à ressembler, parfois à s’y méprendre, aux orthopraxies de l’islam ou du judaïsme. On serait bien bêtes, pour lutter contre l’islamisation de la société et défendre notre culture, de couvrir nos femmes avec des « voiles chrétiens ». Le catholicisme est un culte oriental adouci par la philosophie : plus le pape se fera philosophe, et plus il faudra contrebalancer par le culte afin de le préserver – mais là n’est pas notre tradition !
Le synode, un véritable enjeu
À vrai dire, le pape François est tout évangélique. Il y a certes dans la parole de Jésus, telle que rapportée dans les Évangiles, un message profondément social ; il ne faudrait cependant pas oublier que le christianisme ne se résume pas à la Bible, il est aussi et surtout dans le catéchisme et les institutions. S’il fallait seulement suivre la morale, l’Évangile ne serait plus comparable qu’aux Pensées de Marc-Aurèle ; le christianisme deviendrait une philosophie : il cesserait d’être une religion. Le rite, la tradition permettent de conserver un héritage qui forme notre identité culturelle et même, disons-le, notre civilisation – cette identité, menacée aujourd’hui plus que jamais par le déferlement migratoire –, sont également des remparts pour l’Église.
Que sortira-t-il donc de ce grand synode ? Rappelons que ses conclusions ne s’imposeront pas au pape ; mais il ne fait aucun doute que le Saint-Père s’appuiera largement sur elles pour prendre des réformes d’envergure dans le gouvernement de l’Église, surtout si ces conclusions vont dans son sens ! Que le pape, qui n’est pas la bouche de Dieu, mais seulement le chef de l’Église catholique, se rappelle qu’il est aussi là pour sauvegarder sa pierre ; qu’il est le premier menacé par le progressisme. À ce titre, il ne faudrait pas qu’il devienne l’ennemi de tous : des fidèles, qui lui reprocheraient son réformisme militant ; et des progressistes radicaux, qui lui reprocheraient éternellement ses défenses même timides de la tradition.