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Le nazi et la substitution

Qualifier le Premier ministre israélien de "nazi sans prépuce" peut être rigolo, mais cela présente d'autres bénéfices...


Le nazi et la substitution
D.R.

En ces jours où Guillaume Meurice nous a offert sur un plateau, si l’on peut dire, une soi-disant blague où un juif est associé à un nazi, nous nous sommes demandé, vu qu’il n’est pas le seul à faire cette analogie, quels pouvaient être les bénéfices secondaires d’une pareille névrose, comme dirait Freud. Il s’avère qu’ils sont nombreux et pas si nouveaux que cela…


Depuis longtemps, je me demande pourquoi certains appellent les Israéliens ou leurs dirigeants les nouveaux « nazis ». Quoiqu’on pense de la politique israélienne par rapport à la question palestinienne, en aucun cas, elle ne s’apparente à ce que le nazisme fut. Il doit donc y avoir une autre raison, voire plusieurs, pour éprouver le besoin de les considérer comme des « nazis ».

Cancel jewish culture

La première qui me vient à l’esprit est que si eux, qui ont subi en tant que juifs le nazisme, deviennent à leur tour des nazis par rapport à d’autres, ici les Palestiniens, leur passé est comme effacé, voire aboli et notre culpabilité grandement diminuée, voire même annulée. Quel soulagement s’ils le deviennent à leur tour ; bénéfice grandiose s’il en est ! J’apprends du reste qu’en Allemagne, certains proposent de débaptiser une crèche du nom d’Anne Franck, pour lui donner un nom plus « ouvert » ; on comprend vite qu’il s’agit de changer de victime et qu’Anne Franck est désormais obsolète et qu’elle doit être rayée de la carte. La cancel culture trafique l’histoire à sa guise ! Et si les Israéliens qu’on ne nomme plus ainsi puisqu’on dit « les juifs » deviennent des nazis, alors l’antisémitisme devient parfaitement légitime… Cela en fait, des mistral gagnants tout ça ! 

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Par ailleurs, et dans ce cas, il y a de nouveaux juifs qui subissent le nazisme des anciens. Et ces « nouveaux juifs » deviennent les victimes absolues. Mais pas que. Car j’ai pu entendre des musulmans me dire qu’en fait, « le peuple élu », le peuple hébreu, avait failli. Et que la preuve en était que leur dieu, Yahvé, n’en finissait pas de les rappeler à l’ordre, mais qu’ils retombaient souvent dans leurs travers et que donc, c’était bien la preuve que ce « peuple élu » n’était pas le bon ! J’avais beau leur répondre que la bible hébraïque raconte l’épopée d’un peuple se constituant en même temps que les individus le composant, avec ses avancées, ses reculades, bref, tout ce qui fait la vérité  du processus même d’humanisation, et qu’il n’était pas rare de voir un tout petit se remettre à faire pipi au lit au moment où il progresse sur un autre plan, mon interprétation anthropologique ne satisfaisait pas. Il aurait fallu quoi ? Qu’ils filent vent debout vers la lumière sans jamais déchoir ? Mais qui fait cela ? Les parfaits, me répondirent-ils. Donc, pas des humains, rétorquai-je. Si, des humains parfaits. Donc des dieux, ou de parfaits criminels.

Ce « reste » qui s’obstine à durer

On pourrait voir là un complexe du cadet par rapport à l’aîné ; une envie de lui ravir la place. En l’occurrence, ici, il faudrait plutôt parler du complexe du benjamin, vu que pour le cadet, la place fut prise par les chrétiens qui purent se présenter comme le « Verus Israel ». Ce fut la première théologie de la substitution dont certains voient l’origine dans le Nouveau Testament et chez Augustin. Cela a signifié pendant 20 siècles que le rejet du Sauveur faisait du peuple juif une imparfaite préfiguration et surtout un témoin dépassé, et que l’Église devenait le nouveau Peuple de Dieu. Certes, la thèse dite des deux alliances persista mais c’est la première qui emporta le morceau et qui détermina les relations entre judaïsme et christianisme pendant presque 2000 ans. Et il fallut attendre Vatican II pour qu’on ne parlât plus de « peuple déicide ». 

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Enfin, Hegel, par-delà l’antisémitisme « ordinaire » de son époque auquel il n’échappa pas, hissa le débat à un niveau philosophique pour mettre en cause ce « reste » que constituaient les juifs qui refusaient d’entrer dans le grand universel qu’était le christianisme. Que faire de ce reste ? L’histoire nous a appris la solution… Et je ne peux m’empêcher de penser que la « oumma », cette grande communauté musulmane, ne supporte pas davantage ce «  reste » qui s’obstine à durer, et qui, de surcroît, se trouve géographiquement chez elle. Telle une épine dans la chair, ce mince pays en hauteur déchire le grand manteau dont on voudrait couvrir la planète.

Maintenant, ces considérations n’abolissent en rien la question politique des territoires de chacun à définir de manière nette et intangible. Comme dit Régis Debray, dans « Éloge des frontières », le meilleur moyen de faire la paix est encore de se mettre d’accord sur une frontière. Sera-ce suffisant ? Je ne le crois pas, mais ce n’est pas une raison pour ne pas le faire.

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Professeur de lettres modernes à la retraite, ayant enseigné dans le 93.

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