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Le poulpe de nos retrouvailles

Les Dessous chics


Le poulpe de nos retrouvailles
De gauche à droite : Jean-Luc Péchinot, Nathalie et Pierre Matter devant la sculpture du Nauti-Poulpe à Amiens- © Philippe Lacoche

Chaque semaine, Philippe Lacoche nous donne des nouvelles de Picardie…


Lorsque mon ami Jean-Luc Péchinot a téléphoné pour me faire savoir qu’il serait présent à l’inauguration, le 24 mars dernier, de la sculpture Le Nauti-poulpe – œuvre monumentale de Pierre Matter, commandée par la Métropole d’Amiens, pour commémorer le 120e anniversaire de la mort de Jules Verne, installée non loin de la gare SNCF -, j’ai bondi de joie : une bonne occasion de revoir l’un de mes meilleurs copains de l’école de journalisme de Tours que j’ai fréquentée de 1975 à 1977 (C’est si loin, tout ça…). « Je connais Pierre depuis des années », précisa-t-il. Je ne fis ni une, ni deux, attrapai la main de ma Sauvageonne (faute de l’attraper par les cheveux, par ses plumes plutôt, car j’avais peur de lui faire mal), et l’entraînai, tel un Tintin picard, vers de nouvelles aventures.

Le Nauti-poulpe se voyait de loin ; normal, il est immense : 9,50 mètres de long pour 7 mètres de haut et pèse 12 tonnes ; il a été dessiné par un cador de la BD : François Schuiten. Il y avait un monde fou devant la grande bestiole en fonte. Je scrutai la foule ; pas moyen d’y apercevoir mon Jean-Luc. Je lui téléphonai, écrasai les pieds de quelques spectateurs qui restèrent de… fonte et nous retrouvâmes enfin l’ami tourangeau. Pas changé ; toujours sa belle tête de Roger Vailland. Il était en compagnie de sa charmante compagne Nathalie. Je leur présentai ma Sauvageonne qui, immédiatement, les adopta dans son petit cœur de blonde sensuelle. Quelques instants plus tard, il me présenta Pierre Matter, d’origine alsacienne, installé dans son atelier de Savonnières (Indre-et-Loire) depuis les années 2000. Souriant, il répondit à mes questions. « Le processus qui a conduit à la création de cette œuvre a plus de sept ans. Ce temps long est dû à des questions administratives et politiques. En revanche, le temps réel était de six mois pour le modèle original qui servit à la fonderie ; cette dernière a étalé le travail sur dix-huit mois, soit un an à temps plein. » Pierre Matter serait-il vernien ? « Après Albert Schweitzer, j’ai lu toute la saga Jules Verne qui a imprégné mon imaginaire. » Il a travaillé pendant quatre ans sur un projet de bande dessinée avant de passer à la sculpture. « Ma création avait été refusée par les cinq gros éditeurs de l’époque. Seul Casterman avait hésité. C’était en 1989-1990 ; la BD était en crise complète. Je n’ai pas de regrets ; je ne suis pas passé directement à la sculpture ; ça s’est déroulé par étapes : le bas-relief en pierre, etc. J’ai réellement commencé la sculpture en 1997 et je me suis senti bien tout de suite. » Le Nauti-poulpe ? Il n’aime pas beaucoup ce nom « car [il] n’aime pas les mots composés. » Devant l’œuvre terminée et installée définitivement, il dit ressentir beaucoup de soulagement, « et le plaisir de retrouver [s]es amis (N.D.L.R. : Nathalie et Jean-Luc). » Ces derniers, je les rejoignis le lendemain après-midi, au bar Au Fil de l’eau, en bord de Somme. Jean-Luc et moi évoquâmes nos jeunes années. Il avait apporté un exemplaire de notre journal d’école, Sésame, qui datait de décembre 1976. Les noms de certains étudiants nous revenaient : Danièle Belbahri, Jacques Benzakoun, Didier Berneau, Etienne Bonamy, Loïc Gicquel, Philippe Champiré (RIP), Jean-Luc Pays, Alain Saunier ; etc. On avait sur la langue le goût suret de la bernache et sur la peau la fraîcheur des caves de Vouvray où nous faisions des fêtes du tonnerre ! Nous regardâmes la Somme couler, tranquille, avec nos yeux de presque septuagénaires. Elle ressemblait à la Loire. Nous savions bien qu’on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve.



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Il a publié une vingtaine de livres dont "Des Petits bals sans importance, HLM (Prix Populiste 2000) et Tendre Rock chez Mille et Une Nuits. Ses deux derniers livres sont : Au Fil de Creil (Castor astral) et Les matins translucides (Ecriture). Journaliste au Courrier Picard et critique à Service littéraire, il vit et écrit à Amiens, en Picardie. En 2018, il est récompensé du prix des Hussards pour "Le Chemin des fugues".

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