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Non, «Le Monde», un procès ne peut être la réponse «ultime» au terrorisme islamiste

Même long de neuf mois !


Non, «Le Monde», un procès ne peut être la réponse «ultime» au terrorisme islamiste
Procès du 13 novembre 2015. Mesures de sécurité autour du Palais de Justice, hier, Paris © Gabrielle CEZARD/SIPA Numéro de reportage : 01037071_000031

Le procès qui a commencé hier au Palais de justice de Paris est exceptionnel à plusieurs titres


Par l’extrême gravité de ce que la cour d’assises spécialement composée aura à juger.

Par la présence d’un accusé directement impliqué dans les attentats de 2015, et en vie à cause du dysfonctionnement technique de sa ceinture explosive, dit-il.

Il y a une forme d’humanisme qui n’est pas loin de se réduire à un narcissisme collectif, à un masochisme pétri de bonne conscience. Nous sommes supérieurs puisque nous opposons l’arme du droit quand on nous tue au droit implacable de l’arme ! Il faudrait au moins y réfléchir.

Par l’importance historique, politique et médiatique de ces monstruosités et de leur appréhension judiciaire à la suite d’un travail colossal du Parquet et des magistrats instructeurs.

Par le très grand nombre de parties civiles qui espèrent que le procès leur offrira un apaisement et une vérité, même si on peut en douter.

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En effet, comme pour la criminalité ordinaire, le risque est celui d’une amère frustration parce que les accusés en général n’ont aucune envie de complaire aux états d’âme et aux attentes des plaignants. Encore davantage pour le terrorisme où il m’étonnerait fort que Salah Abdeslam n’oppose pas le poison et l’arrogance de son mutisme aux impressionnantes demandes d’explications.

Judiciairement incorrect

Il convient de saluer, sur le plan de l’organisation, l’infrastructure édifiée pour l’occasion et tout ce qui permettra d’assurer la plus large information possible. L’investissement a été à la hauteur de cet interminable procès qui s’annonce.

J’ai bien conscience de sortir du « judiciairement correct » en soupçonnant que ce procès de neuf mois ne constituera pas « une réponse ultime » au terrorisme (comme le dit Le Monde dans son éditorial) mais au contraire manifestera, d’une certaine manière, notre faiblesse à l’égard de groupes terroristes et d’une idéologie qui désirent profiter des garanties de notre État de droit sophistiqué pour mieux le mépriser quand ils en auront l’opportunité.

Qui peut croire véritablement que cet immense procès et les condamnations qui en résulteront sans doute pour beaucoup auront la moindre incidence sur la psychologie et la résolution criminelle des accusés ? Il est clair qu’ils ne constitueront pas une « réponse » pour eux puisque eux-mêmes ne sont pas dans le questionnement mais dans le terrorisme comme seule réponse. Les accusés, malgré les apparences qui pourront laisser croire à une domestication judiciaire, seront confortés par l’hommage pervers d’une procédure aussi durable et raffinée mise à leur service.

Pas davantage ce procès, quelles que soient ses conséquences, même les plus répressives possibles, ne dissuadera le terrorisme d’aujourd’hui et de demain, en train de préparer ses attaques et l’aveuglement de ses tueries, selon des modalités qui rendent difficile leur prévention ou leur éradication. Aucune chance pour que cette réponse juridique et honorable soit écoutée par des idéologues enfermés dans leur certitude et un intégrisme fier d’assassiner les mécréants.

La guerre des mondes

Pour que le procès et le droit soient une réponse, il faudrait encore qu’il y ait l’ombre d’un dialogue. Ce sont deux mondes qui ne s’affrontent même pas : l’un cherche à convaincre et à condamner, l’autre est ailleurs. Une attitude de mépris et le mépris de la Justice : rien à espérer de cette double perversion. De celle-ci, l’exemple le plus grossier et indécent en a été donné par Salah Abdeslam dans sa posture et ses premières répliques à l’ouverture des débats.

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En réalité, cette « réponse ultime » qui serait adressée au terrorisme et qui à mon sens est pure illusion, concerne tout à fait autre chose. C’est un spectacle tragique que notre Justice se donne à elle-même. Notre pays se regarde dans le miroir démocratique et se dit, pour les valeurs et les principes : comme je suis bien, comme je sais être impeccable même quand on se moque profondément de moi ! Il y a une forme d’humanisme qui n’est pas loin de se réduire à un narcissisme collectif, à un masochisme pétri de bonne conscience. Nous sommes supérieurs puisque nous opposons l’arme du droit quand on nous tue au droit implacable de l’arme ! Il faudrait au moins y réfléchir. On pourrait me rétorquer que cette beauté gratuite de l’État de droit est ce qui fait notre honneur et que peu importe l’impact sur ceux qui ont sévi au Bataclan et sur les terrasses. Pourtant que vaut un procès qui ne peut pas s’assigner des ambitions réparatrices ?

Je songe aux parties civiles, à ces familles qui ont perdu des êtres chers. Si on me démontre que même au regard de ces considérations, elles continuent d’aspirer à un tel procès, si long, si infiniment complexe, je m’interrogerai. Le cœur de ce débat est de qualifier exactement ou non la criminalité terroriste, l’islamisme meurtrier. Pour moi, ils représentent une troisième catégorie entre la criminalité et la délinquance ordinaires. Totalement et sombrement originale. Il est absurde de continuer à appliquer à ces malfaisances absolument singulières – aucune contrition affichée sinon tactique et la volonté forcenée de tuer – une grille classique. D’apposer sur une réalité qui nous échappe et nous nargue à la fois la sophistication d’un État de droit surgi dans un pays saturé de démocratie.

Alors que la moindre des choses est de rendre la justice plus simple, plus rapide, moins naïve, moins masochiste, pour appréhender des crimes d’un type nouveau. Rien ne serait pire, pour se donner bonne conscience, que de les banaliser dans un fourre-tout pénal.




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Magistrat honoraire, président de l'Institut de la parole, chroniqueur à CNews et à Sud Radio.

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