Le dernier film de Laurent Firode, satirique et revigorant, est un médicament pour méchants réacs. Il est un allié précieux pour survivre à l’époque débilitante.
Il y a quelques mois, je faisais ici même l’éloge du film de Laurent Firode, Le Monde d’après. J’évoquais l’intelligence et la drôlerie de ce film-médicament, de cet élixir de jouissance anti-woke, de ce reconstituant neuronal par le rire. Je ne regrettais qu’une chose: sa courte durée, une heure seulement. Je priais alors pour que le réalisateur continue son œuvre bienfaitrice. Alléluia, mes frères et mes sœurs ! Le Seigneur m’a entendu et a éclairé de Sa lumière céleste Laurent Firode et sa bande : Le Monde d’après 2 sort le 15 mars à Paris [1] – il dure une heure et demie et est aussi réjouissant que le premier opus.
Le film est composé de 15 saynètes, 15 photographies de notre société tourmentée à la fois par les décisions sanitaires et arbitraires du gouvernement au moment de la crise due au Covid, l’écologisme le plus arriéré, le féminisme le plus abêti et le wokisme le plus hargneusement destructeur. Les dialogues savoureusement drôles empruntent aux discours des porte-parole gouvernementaux et aux propos de Sandrine Rousseau autant qu’à la novlangue de l’idéologie woke – comme si ce monde d’après avait fini par gober toutes les âneries en cours et ne pouvait plus échapper aux idées débilitantes sur le genre considéré comme une « construction sociale et patriarcale », sur « l’appropriation culturelle », le « transgenrisme » et la « déconstruction des hommes », entre autres absurdités idéologiques.
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La méthode Hammerstein-Flitzkraub
Histoire de vous mettre l’eau à la bouche… La troisième saynète s’intitule Tous-tes contre l’exclusion. Deux amis discutent dans un appartement cosy. L’un d’entre eux se maquille et s’apprête à se rendre à la manifestation « inclusive » pour les droits des « minorités opprimées ». Il décrit à son ami – un hétérosexuel « cisgenre » qui aimerait bien montrer sa solidarité en participant, même discrètement, à cet événement – la composition du cortège : en tête, les trans racisés. Ensuite, les queers. Puis les handi non-binaires mixtes et les lesbiennes non-genrées. Autant dire que, dans ce cortège clamant sa « fierté » d’inclure tout le monde, la présence d’un « hétérosexuel cisgenre », même désireux d’être un « allié » de la cause des minorités, ne va pas de soi. Je vous laisse découvrir comment l’inclusif ami trans résoudra cette difficulté.
Connaissez-vous la méthode Hammerstein-Flitzkraub ? Non ? Il faut absolument que vous soyez informés sur cette technique permettant de prendre conscience de supposés traumatismes vécus pendant la toute petite enfance. La scène met en exergue toute la folie de ce monde, l’inconsistance d’individus décérébrés et ayant gobé un discours pseudo-scientifique tout à la fois victimaire et culpabilisateur, et la dissolution du simple bon sens. C’est cruel et très drôle.
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Découvrez aussi le « rebelle » autoproclamé qui se prend « presque » pour Jean Moulin parce qu’il est allé boire une bière sur une terrasse de café « dès le lendemain » des attentats du 13 novembre 2015 et porte un tee-shirt à l’effigie de Zelensky ; les deux écologistes qui récitent leur catéchisme militant avant que d’essayer une nouvelle colle pour préparer un « coup d’éclat » ; ou encore Corentin faisant son coming out – et quel coming-out ! – devant ses parents effarés (un sketch à rebondissements qui m’a fait mourir de rire). Enchâssées entre ces moments purement jubilatoires, quelques scènes teintées d’une réelle émotion rappellent les délires autoritaires de notre gouvernement au moment du confinement imposé et du masque obligatoire, et leurs conséquences sur nos vies. Les acteurs et les actrices, tous parfaits, jouent idéalement leurs rôles d’hommes et de femmes abrutis ou meurtris par les idéologies les plus bêtes.
Le rire désarme la bêtise
Il existe deux façons de combattre le wokisme, toutes les deux honorables et indispensables. La première consiste à le prendre au sérieux. Il est alors capital de démasquer sa présence militante dans les lieux de savoir aussi bien que dans ceux du divertissement et des médias, de dire la vérité sur la propagande distillée dans les écoles dès le plus jeune âge, de dénoncer les associations qui le répandent. Pour appréhender et combattre cette idéologie disparate et mortifère, il est primordial de prendre le temps de lire des ouvrages analysant ses origines, ses manières d’infiltrer la société et ses objectifs totalitaires – ceux de Jean-François Braunstein, Bérénice Levet, Mathieu Bock-Côté, Pierre-André Taguieff ou Sabine Prokhoris, par exemple. La seconde consiste à s’en moquer comme d’une absurdité évidente, un objet débile qui ne peut être que tourné en dérision. L’éclat de rire devant une affiche du planning familial exhibant un « homme enceint » ou proclamant que « le sexe est un construit social » et que « le pénis est un pénis, pas un organe sexuel mâle », doit briller comme un éclair de vérité et de bon sens. Le rire est une torpille contre la bêtise parce qu’il est « le dédain et la compréhension mêlés » (Flaubert) – l’idéologue abruti par son idéologie est désarmé par la spontanéité d’un éclat de rire révélant une intelligence intuitive mille fois supérieure à la sienne, préfabriquée et abêtie.
Nombre d’auteurs, dont votre serviteur se targue de faire partie, aiment à manier aussi bien les arguments les plus rationnels que ces armes redoutables que sont l’ironie, la parodie, la farce, l’humour. À sa manière, la manière cinématographique, Laurent Firode est un adepte de Muray, notre maître à tous. Il jette l’époque telle quelle sur la toile, reprend ses mots, la met entre guillemets, dans l’espoir qu’apparaissent en même temps son absurdité et son comique.
Nul besoin de surjouer la folie, d’inventer ou d’ajouter des effets spéciaux de décérébration – filmée ironiquement par Laurent Firode, imitée à la perfection, cette époque apparaît bien comme l’une des plus tarées que l’humanité ait jamais connues. Nous avons encore la liberté d’en rire, profitons-en !
[1] Sortie le 15 mars au cinéma l’Espace Saint Michel (7 place Saint-Michel, Paris 5ème). Séance tous les soirs à 18h00. Au moment où j’écris ces lignes, j’ignore s’il est prévu que ce film soit à l’affiche d’autres salles parisiennes ou en province.
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