Dans un article du Monde, analysant le succès de CNews, la chaîne d’information est accusée de banaliser l’extrême droite en ressassant ses thèmes de prédilection. Mais ces thématiques ne sont pas propres à l’extrême droite. Ce sont même des soucis et des inquiétudes partagés par le plus grand nombre.
Ce sous-titre ne se veut pas provocateur. Quand Le Monde écrit que « CNews banalise l’extrême droite » à partir d’une approche partiale des débats de cette chaîne, de ses animateurs et de ses chroniqueurs, il me semble en effet rendre un hommage paradoxal à ce qu’il prétend dénoncer. Voyant l’extrême droite où elle n’est pas, il élargit ainsi paradoxalement une influence qui n’en avait pas besoin.
Pour être au moins à trois reprises sur CNews, chaque semaine, une fois avec Clélie Mathias et deux fois avec Pascal Praud, je peux témoigner que ce qui nourrit les échanges se rapporte en effet notamment à « insécurité, délinquance, islam, identité » mais aborde aussi beaucoup d’autres thèmes.
Une chaîne qui répond aux inquiétudes du plus grand nombre
Le tour de passe-passe du quotidien et de la rédactrice de l’article est de qualifier ces quatre sujets de « thématiques de l’extrême droite » comme si cette dernière en était la créatrice, la dépositaire, la propriétaire exclusive sans qu’elles relèvent d’un sentiment collectif, d’une inquiétude et de préoccupations partagées par beaucoup.
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En réalité, ce n’est pas l’extrême droite qui est venue irriguer ou gangrener certains esprits de CNews mais ces derniers qui animés par une vision conservatrice de la société et de l’État ont naturellement réfléchi et débattu sur des problématiques dont il aurait été surprenant qu’elles ne rejoignent pas, par leur nature populaire et générale, les obsessions de l’extrémisme de droite comme les dénis de l’extrémisme de gauche.
S’en tenir à une perception qui interdirait à tout ce qui n’est pas d’extrême droite de traiter de ce que l’extrême droite a adopté pour terreau essentiel, reviendrait à priver CNews, tous ceux qui participent, au fil de la journée, à sa réflexion collective sur un mode passionné ou serein, les téléspectateurs qui la regardent et la suivent de plus en plus, de ce qui, chez les citoyens, est prioritaire.
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Il y a évidemment des représentants du RN, comme ceux d’autres partis, qui sont invités sur CNews mais il est de la plus élémentaire malhonnêteté, alors que rien ne laisse apparaître une quelconque inféodation partisane au RN, de laisser croire l’inverse. Comme si ne pas voter pour le RN était un motif de discrédit supplémentaire et révélait de basses arrière-pensées. Derrière cette pression subtile, il y a l’envie perverse de contraindre à des justifications qui n’ont pas lieu d’être.
L’inquisition du Monde
Il faut rappeler qu’être conservateur n’est pas une tare et que cette disposition d’esprit ne constitue pas CNews et ceux qui s’y expriment comme des séides du RN. Qu’on mette en parallèle la substance de la pensée et des analyses conservatrices et le flou impressionnant du RN, et il sera facile de constater leur différence.
On pourrait d’ailleurs s’étonner que dans l’espace républicain il soit quasiment obligatoire de devoir se défendre d’appartenir à une mouvance qui, à ce que je sache, n’est pas interdite et draine un si grand nombre d’électeurs que des ministres en oublient leur mission principale pour se vouer à la chasse à Marine Le Pen.
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Certes CNews pourrait être flatté de se voir consacrer par Le Monde – ce n’est pas la première fois – une attention, une inquisition qui révèlent pour le moins son importance, son impact et son intolérable et inexplicable succès, pour ses contempteurs.
Les raisons du succès de CNews
La clé du mystère est peut-être dans cette critique qui, contre son gré, va à l’essentiel : « avec sa parole prétendument décomplexée, ses clashs et ses commentaires à l’emporte-pièce, CNews ne cesse de gagner du terrain ». Il y a de la liberté, de la spontanéité, de la contradiction (trop vite qualifiée de « clashs » !), du simplisme sûrement (d’où est-il absent à tout coup médiatiquement ?), en tout cas une volonté de ne pas faire preuve d’une pudeur de chaisière face au réel, aux angoisses du peuple, aux drames du quotidien, sans jamais tomber dans la condescendance confortable du surplomb.
S’il était admissible de donner un conseil de lecteur compulsif du Monde au Monde, je lui suggérerais d’opérer une révision sur CNews et de ne plus colporter de tels poncifs, qui lui font sans doute plaisir mais sont aussi éloignés de la vérité de cette chaîne que possible. Le pluralisme n’existe pas pour qui a décidé de le présumer absent.
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Ce serait enfin une expérience digne d’intérêt pour ce quotidien à la fois irremplaçable et partial de se pencher sur d’autres médias. Par exemple France Inter, une matière formidable: un progressisme mondain, des préjugés à foison, un réel à épurer, des intelligences plus donneuses de leçons que de vérités…
Sans doute Le Monde refusera-t-il ma recommandation.
Mais qu’il prenne garde au fait qu’en accusant faussement CNews de banaliser l’extrême droite, il banalise celle-ci…
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