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Requiem pour la Corse

« Le Mohican », un film de Frédéric Farrucci, aujourd’hui au cinéma


Requiem pour la Corse
Alexis Manenti, "Le Mohican" de Frédéric FARRUCCI (2025) © Ad Vitam distrib.

Avec Le Mohican, Frédéric Farrucci signe un film très réussi, mais au sous-texte politique peut-être un peu trop ambigu à notre goût…


L’Île de Beauté est-elle vraiment la France ? Deuxième long métrage de l’enfant du pays Frédéric Farrucci après La nuit venue (2020), Le Mohican autorise le doute. Le film est porté d’un bout à l’autre par Alexis Manenti, 42 ans, acteur et scénariste également de souche corse, qu’on retrouve actuellement dans Le Dossier Maldoror, de Fabrice du Wlez, sorti le 15 janvier, et aussi dans Ad Vitam, le thriller produit et interprété par notre Canet national qui fait un carton sur Netflix.

En cavale

Sous les auspices de Farrucci, le corpulent garçon s’est placé, ici, dans la chair dolente de Joseph, un des derniers survivants de la tradition rurale dans ce paradis désormais arraisonné par la logique spéculative, corrélée à la manne du tourisme. Le jeune berger s’accroche à son terrain ; il y élève ses chèvres, à deux pas du littoral, cerné par les parcelles promises au bétonnage. On cherche à l’intimider ; il ne cède pas. Mais tue accidentellement l’investisseur véreux venu en personne le menacer d’un revolver. Et voilà Joseph en cavale, doublement pris en chasse, et par la maréchaussée, et par la mafia locale, de la Corse du Sud jusqu’au Cap corse. Les réseaux sociaux s’emparent du fait divers. Vannina (Mara Taquin), venue en vacances chez son oncle, devient via Twitter le fer de lance de la mobilisation en faveur du fuyard, bientôt surnommé « le Mohican » dans les médias et sur les réseaux, et dont le visage, tagué sur les murs des villages, prend une dimension iconique. Chez quelques vieux insulaires (ce qui fournit des séquences hautes en couleur, dialoguées en dialecte corsu pur jus), Joseph trouvera un refuge précaire – mais le piège, inexorablement, se referme. Le chœur qui monte sur les derniers plans du film sonne comme un requiem.

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Sous-texte ambigu

C’est avec une belle économie de moyens que Frédéric Farrruci développe ce faux thriller investi d’une résonnance politique évidente, à l’heure où le projet de statuer sur « l’autonomie » de ce territoire est toujours dans les cartons, à Paris. Reste que la Constitution ne reconnaît, jusqu’à nouvel ordre, qu’une seule communauté, celle de la nation française.  S’il existe un « peuple corse », alors le « peuple breton », le « peuple alsacien », le « peuple auvergnat », le « peuple basque » sont en droit d’exiger le même type de reconnaissance. Faut-il encourager le FLNC (Front de libération nationale) dans ses revendications, étayées d’attentats sur des résidences secondaires ? Le « sous-texte » du film de Farrucci est ambigu : la nostalgie d’un littoral vierge de constructions de villas et d’hôtels, de plages préservées de l’invasion touristique, d’une Corse rurale immaculée, etc. est légitime. Reste que la Corse n’appartient pas exclusivement aux Corses, pas plus que l’île de Ré au seuls Rhétais. Que les Corses commencent par s’imposer à eux-mêmes des règles d’urbanisme et de protection environnementales strictes, et à les respecter absolument, qu’ils éradiquent l’hydre mafieuse qui corrompt chez eux la moindre décision. Après, on verra.   


Le Mohican. Film de Frédéric Farrucci. Avec Alexis Manenti. France, couleur, 2024.
Durée : 1h27.
En salles le 12 février 2025



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