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Le navet des beaux jours


Le navet des beaux jours
Louise Bourgouin et Emmanuel Laskar dans "Le medium" (2024) © Magali Bragard / Ad Vitam

Le Medium d’Emmanuel Laskar, un film «100% exception culturelle», mercredi 10 juillet en salles


Long prologue pour un film court – à peine 1h20 ; on s’en contentera. Michael Monge (Emmanuel Laskar, 48 ans, également derrière la caméra, donc, pour son premier long métrage en l’espèce) enterre sa mère Barbara (Noémie Lvovsky). Au cimetière, devant la fosse béante, en plein sermon du curé, Michael reçoit un appel intempestif, son smartphone lui échappe des mains, il se jette à plat ventre pour tenter de le rattraper, au point qu’il manque tomber lui-même dans le caveau. Chance, ses copines – dont Alicia, son ex (Maud Wyler) – sont là pour l’en extraire, en le tirant par le falzar. Vous l’aurez compris : c’est une comédie.

Allo maman bobo

Il se murmure que Michael a hérité des dons de voyante de sa défunte mère. Il s’en défend. Mais l’instinct est plus fort que tout : assume, mon gars, tu es bien medium. Mal dans sa peau, l’orphelin mélancolique qui, pour vivre, enseigne la musique dans un collège, joue perso de la gratte à ses heures (d’ailleurs, le cadrage évite, plutôt maladroitement il faut le dire, de nous dévoiler le manche de la guitare, probablement parce que l’acteur Laskar ignore la pratique de cet instrument). Toujours est-il que ce garçon tourmenté est sollicité par l’ensorcelante Alicia (Louise Bourgoin), appétissante veuve d’architecte, laquelle, déprimée d’avoir perdu, en feu son jules, l’amour de sa vie, se consume, solitaire n’était son gros toutou baptisé Satan qui barbotte dans la piscine de la somptueuse maison bâtie par son regretté mari. NB : pour apprécier l’assonance, subtil clin d’œil, dans le film l’architecte en question (Alexandre Steiger, dans le rôle) a pour fictif patronyme : Rizzi. Or il s’agit d’une maison effectivement construite, dans la réalité, par l’architecte – star Rudy Ricciotti. Car, pour vous situer, nous sommes dans le Var : épicentre de l’action, le village de Collobrières, à 20km du littoral.

Donc, le Michael (campé par notre Laskar, qui est, du début à la fin, pratiquement de tous les plans du film – on n’est jamais mieux servi que par soi-même) fait revenir le fantôme dudit Rizzi, ce qui fait pleurer Alicia, of course. A noter, l’esthétique des apparitions : quasi-réaliste, dans une lumière saturée où les silhouettes spectrales se fondent dans le décor, auréolées d’une aura ectoplasmique. Et voilà que Michael endosse si bien son don de medium, héritage maternel, qu’il ne peut empêcher les apparitions de sa génitrice trépassée, adipeuse érotomane qui, post mortem, s’exhibe sur sa couette, bientôt tringlée au bord du lit, dans d’insistantes crises libidinales, par le fantôme de son jeune amant, sous le nez de son fiston éberlué.

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100% exception culturelle

Les farfadets occupent ainsi la place, provoquant incidemment des chutes de bouquins dans une bibliothèque publique, ou prenant la forme, qui de Salvador Dali, qui d’une Marguerite Duras chaussée de ses fameuses binocles à grosses montures (icone littéraire que l’on sait, pastichée par l’actrice Anne-Elodie Sorlin dans une séquence private joke destinée aux spectateurs durassiens – car nous sommes dans un film 100 % « exception culturelle »)…  Le comble du grotesque (volontaire ?) est atteint avec la scène d’exorcisme où le prêtre (Maxence Tual), crucifix brandi, extirpe Satan (le vrai, pas le chien d’Alicia) des entrailles d’un Michael en transe.   

Vétéran de la compagnie Les Chiens de Navarre, Emmanuel Laskar vient du théâtre. On lui souhaite de retourner sur les planches. Car pour ce qui est du plateau de cinéma… Consternant que la petite boutique de luxe du Septième art français, par nature tellement endogamique, ne soit ici que l’opportunité, pour une brochette alternée de premiers et de seconds couteaux du grand écran hexagonal, de cachetonner dans une pseudo-comédie pathétique et narcissique qui, en somme, ne fait rire que d’elle.     


Le Medium. Film d’Emmanuel Laskar. Avec Louise Bourgoin, Maud Wyler, Noémie Lvosky. France, couleur, 2023. Durée : 1h20.

En salles le 10 juillet.




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