Le parquet exclut toute « dimension terroriste » à ce stade de l’enquête.
Concomitante à l’épidémie de variole du singe, la vague d’attaques au couteau ne fait pas les gros titres de la presse nationale. Pourtant, cette épidémie-là est souvent mortelle ! Il ne se passe presque plus une semaine, en France, sans que l’on apprenne qu’une nouvelle agression ou un nouveau meurtre sanglant au couteau a eu lieu. À vous de ne pas vous trouver au mauvais endroit au mauvais moment, en quelque sorte. Car ces drames se produisent dans les coins les plus variés de notre territoire national.
Quand la presse en parle, les journalistes ne s’empressent pas franchement de dessiner le portrait des assaillants, ou même de décliner leur identité. Un déni journalistique suspect, nous allons y venir.
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Hier, Ouest France rapporte que deux hommes ont été poignardés à l’arme blanche sur le pont du Greffier surplombant la rivière Sarthe dans le centre-ville du Mans. L’agresseur, un homme qui dit avoir 32 ans, a été interpellé. À cette occasion, il a blessé l’un des policiers. Il se déclare de nationalité afghane et devait faire l’objet d’un examen psychiatrique. Il a agressé ses victimes en leur portant des coups de couteau « tout en proférant à plusieurs reprises des mots en langue arabe », précise dans un communiqué le procureur de la République en charge du dossier, Mme Delphine Dewailly.
Un étranger inquiétant
« De nationalité étrangère » et « récemment installé au Mans », l’homme interpellé « bénéficie d’un titre de séjour en règle sur le territoire national », observe le parquet. « Les premiers éléments recueillis n’établissent pas de dimension terroriste de cette action », assure-t-il.
Les deux hommes agressés ont été évacués vers l’hôpital de la ville. Si, sur les deux victimes, l’une est plus sévèrement blessée, ses jours ne sont heureusement plus en danger.
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L’attaquant étranger venait de voler une lame de couteau au magasin Super U se situant sur l’avenue de la Libération. Selon un client du magasin, interrogé par Ouest France, l’homme portait une longue barbe noire, et sa déambulation dans les rayons faisait peur à tout le monde. « Tout le monde était stressé, interloqué » témoigne-t-il. Un employé aurait demandé au barjo de se calmer, avant que celui-ci ne se dirige vers les rayons des ustensiles de cuisine pour se saisir de la lame qui allait lui permettre de commettre ses méfaits par la suite.
Déni français
Dans notre numéro d’été de Causeur mettant en une Alban Gervaise, un médecin militaire de Marseille tragiquement mort des coups de couteaux qu’il a reçus le 10 mai devant l’école de ses enfants, Elisabeth Lévy écrit qu’ « on ne peut pas régler un problème qu’on refuse ou interdit de voir ». Elle ajoute : « Ce refus du réel est sûrement le mal français le plus profond ». Car Alban Gervaise est mort dans l’indifférence, une omerta médiatique s’étant abattu sur son histoire tragique.
Le drame épouvantable survenu sur le pont du Mans, lui non plus, n’a pas eu les honneurs du journal télévisé, ni à une seule ligne dans Le Monde jusqu’à présent, dont les lecteurs ignorent donc tout de ce « djihad d’atmosphère » qui s’est emparé de la capitale de la rillette, et de ce que certains qualifient carrément de « terrorisme low cost » s’invitant dans la vie quotidienne des Français. Ouest France et Le Figaro relatent toutefois l’affaire de leur côté.
Si la presse ne s’empare pas de l’affaire, c’est évidemment de peur de stigmatiser. Le suspect étant vraisemblablement Afghan, le mode opératoire de son crime rappelant toute une série de drames similaires qui se multiplient en France ces dernières semaines, il semble inconvenant pour beaucoup de s’attarder sur l’affaire. Pourtant, face à la multiplication de ces attaques au couteau ou de ces égorgements, l’affaire du Mans est-elle vraiment à classer parmi les faits divers ? Quand ils daignent se pencher sur le problème, les observateurs se contentent de gloser sur la zone grise entre terrorisme low cost et maladie mentale… Mais ceux qui préfèrent mettre la poussière sous le tapis, s’obstinent à ne pas mettre à l’ordre du jour politique ou médiatique cette épidémie d’attaques, empêchent en tout cas d’envisager des solutions à ce problème d’insécurité qui commence franchement à ressembler à un nouveau phénomène de société.