La nomination de Geoffroy Lejeune au Journal du Dimanche suscite chez de nombreux journalistes une haine décomplexée pour le pluralisme. Et une réaction très malvenue d’une ministre.
C’est le branle-bas de combat, la mobilisation générale. La nomination de Geoffroy Lejeune à la tête du JDD a provoqué une amusante levée de boucliers antifascistes. Comme me le fait remarquer Martin Pimentel, le bruit suscité par ce transfert est inversement proportionnel à celui qu’a fait la saillie antisémite d’un cadre de la CGT couvert par Sophie Binet.
Sous la plume de Daniel Schneidermann, Libé annonce des matins bruns, Le Monde une croisade réactionnaire. Sur France Inter le nouveau patron du JDD s’appelle Geoffroy-Lejeune-le-journaliste-d’extrêmedroite. Il parait qu’une tribune d’intellectuels et de politiques se prépare. Et qu’une trentaine de SDJ s’apprêtent à manifester leur solidarité avec la valeureuse rédaction du JDD qui a voté à une écrasante majorité la poursuite de la grève jusqu’à mercredi.
Une récidiviste
Plus inquiétant: la nouvelle sortie de la ministre de la Culture qui se désole par voie de tweet d’être privée de son rituel du dimanche. «En droit, le JDD peut devenir ce qu’il veut, tant qu’il respecte la loi. Mais pour nos valeurs républicaines comment ne pas s’alarmer?» Il faudrait lui expliquer que le droit est la traduction positive de ces valeurs. Et surtout, qu’au firmament de celles-ci il y a la liberté d’opinion. Passons. De plus, Rima Abdul Malak est une récidiviste: elle avait menacé CNews, à mots à peine voilés, de perdre sa fréquence. On ne l’imagine pas s’inquiéter de la complaisance pour l’extrême gauche de Libé, du wokisme du Monde ou du sectarisme de France Inter.
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Certes, les journalistes du JDD ont parfaitement le droit d’être hostiles à ce changement. Aujourd’hui, le quotidien du septième jour est certes très macroniste mais assez consensuel. Il se garde d’épater le bourgeois à quelque camp qu’appartienne celui-ci. C’est le journal qu’on déguste avec le poulet rôti du dimanche, il doit être digérable par tous les estomacs. Même si on ne connaît pas le projet de Lejeune (il ne va sans doute pas refaire Valeurs Aactuelles), un changement de ligne est probable. Les journalistes pourront faire valoir leur clause de conscience et partir avec un chèque, auréolés de gloire résistante. C’est le droit de l’actionnaire. Ce système est peut-être critiquable mais on n’a pas trouvé mieux (le modèle Pravda d’une presse d’État, qui semble faire rêver tant de nos confrères, est finalement peu enviable).
Quant à la ministre, elle a surtout le droit de garder ses opinions pour elle. En effet, elle est la ministre de tutelle des médias. Ce qu’elle ne parait pas avoir compris, c’est qu’il s’agit de tutelle administrative, pas politique. On n’est pas chez Poutine. Et bien sûr, son tweet a été plébiscité par de grandes âmes de gauche qui se sont lancées dans un concours d’idées pour faire taire Geoffroy Lejeune (et Bolloré). Ainsi, Julia Cagé propose de priver de subventions tout média dont la direction n’est pas approuvée par la rédaction, ce qui revient à instaurer des Soviets (cela indique aussi que, pour ces gens-là, les subventions achètent le conformisme idéologique).
Une haine décomplexée vouée au pluralisme
Rien de très nouveau. La norme c’est d’être de gauche, toute autre position est une déviation. L’existence même de médias de droite (en dehors du vénérable Figaro devenu plus ou moins acceptable) est suspecte. Longtemps habitués à dominer le champ médiatico-intellectuel sans rencontrer de résistances, les prétendus progressistes vouent une haine décomplexée à la liberté et au pluralisme. Ils aiment la diversité, sauf pour les idées.
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Face à leurs contradicteurs, ils n’argument pas, ils calomnient et rivalisent dans l’incantation avant de pleurnicher dans les jupes de Maman-État pour qu’elle fasse taire les méchants. En réalité, leur réaction enragée est un aveu de faiblesse idéologique et intellectuelle. On les comprend : ils savent qu’ils ont définitivement perdu leur monopole. Ce n’est pas du fascisme qu’ils ont peur c’est de la concurrence.
Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio
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