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Le gouvernement Netanyahou : une coalition antinucléaire


Le gouvernement Netanyahou : une coalition antinucléaire

L’Iran d’abord : contrairement à ce que pensent la plupart des commentateurs, telle est la logique du nouveau gouvernement israélien présenté hier. Le casting de Netanyahou reflète et sans doute plus autant ses priorités stratégiques que ses calculs politiques. C’est dans cette perspective que se comprend le maintien d’Ehud Barak à la Défense ainsi que les choix du ministre des Affaires stratégiques et du ministre chargé des services de renseignements et de l’équivalent israélien du Commissariat à l’énergie atomique (CEA). Pour ces deux portefeuilles, Netanyahou a nommé le général Moshe Yaalon (que tout le monde appelle Boguy), ancien chef d’état-major, et Dan Meridor, ancien ministre de la Justice et vétéran du comité parlementaire chargé de la supervision des services de renseignements et des affaires stratégiques. En clair, c’est un cabinet de crise qui va devoir traiter ce dossier brûlant, lequel, selon l’analyse israélienne, est entré dans une phase critique.

Le calendrier a été défini le 25 mars par le général Yadlin, chef du renseignement militaire. Convoqué par la commission de sécurité et des affaires étrangères de la Knesset, cet ancien pilote de chasse qui a participé au raid sur le réacteur irakien Osirak en juin 1981 a déclaré que l’Iran avait dépassé le seuil technologique et que désormais, s’il décidait de se doter d’une arme nucléaire, il y parviendrait en quelques mois, au plus une année. Opérée par un lanceur de fabrication nationale, la mise en orbite d’un satellite par les Iraniens montre que la République islamique possède aussi des missiles capables de porter une tête nucléaire.
Netanyahou va donc observer de près ce que font les Américains qui donnent désormais la priorité aux tractations politiques pour parvenir à un accord avec l’Iran. Mais pendant que Barack Obama négocie, rien n’empêche Ehud Barak (ni la CIA d’ailleurs) de continuer la guerre secrète contre Téhéran et de prévoir, en coordination avec les Américains et les Européens, d’autres options plus violentes et moins discrètes. Au cas où. Autrement dit, l’option militaire est étudiée très sérieusement à Tel Aviv.

En faisant du dossier iranien – problème réel et urgent – la clé de voûte de sa stratégie, Netanyahou se montre très habile. Sur le plan national, cela lui permet d’intégrer les travaillistes dans sa coalition, ce qui a au moins trois avantages : présenter au public ce « gouvernement d’union nationale » qu’il apprécie tant, maquiller le socle de sa majorité qui repose à la fois sur la droite religieuse et sur la droite nationaliste et enfin, porter un coup supplémentaire au parti de Barak, déjà déplumé après les élections de février dernier. Très divisés – cinq députés travaillistes n’ont pas voté la confiance au gouvernement – et en chute libre dans les sondages, la plus vielle formation politique israélienne qui a promis-juré il y a un mois de se refaire une santé sur les bancs de l’opposition, aura du mal à retrouver son électorat aux prochaines échéances nationales.

L’espace politique que Barak vient d’abandonner n’a pas resté vide longtemps – Tzipi Livni, chef de Kadima, le plus grand parti de la Knesset, a montré par son discours musclé qu’elle a bien l’intention de se positionner comme le deuxième parti de gouvernement et donc comme une alternative.

Sur la scène internationale, l’argument iranien de Netanyahou est écouté. À Washington, Paris, Berlin et à Londres, on sait que l’Iran constitue une menace. Mais dans ces mêmes chancelleries, on craint aussi que Netanyahou n’utilise l’Iran comme prétexte pour traîner des pieds avec les Palestiniens et les Syriens. Cette méfiance n’est pas totalement infondée. Encore que quelles que soient les intentions réelles de Netanyahu, la situation au Proche-Orient est bel et bien bloquée, tout le monde attendant l’issue des négociations entre Obama et le gouvernement iranien pour savoir d’où vient le vent. Or, pour les Iraniens, leur influence sur le Hamas, le Hezbollah et la Syrie est une carte majeure dans le nouveau « grand jeu » qui s’annonce. Ils ont donc intérêt à tout verrouiller pour l’instant.

En conséquence, d’ici au moins six mois, il sera impossible d’avancer avec les Palestiniens et avec les Syriens. Netanyahou n’a donc aucune raison d’aller tout de suite au conflit avec ses alliés de droite qui le soutiennent sur le dossier iranien. Si, un règlement général devait être négocié avec l’Iran – ce qui me paraît hautement souhaitable mais un peu moins probable – la situation serait différente. Netanyahou devrait alors faire des choix politiques et idéologiques difficiles. On ne voit pas pourquoi l’Iran lâcherait à la fois la bombe, le Hezbollah et le Hamas, aiderait les Américains en Irak et en Afghanistan sans obtenir en contrepartie la reconnaissance de son statut de puissance régionale – perspective qui n’enthousiasme pas en Israël. Dans le cadre d’un tel arrangement global Israël aurait toute sa place mais il lui faudrait en échange renoncer à occuper celle des autres. Autrement dit, une fois l’hypothèque iranienne levée, les questions de la Cisjordanie et du Golan seront discutées sérieusement et Netanyahou devra choisir entre sa coalition et l’allié principal d’Israël. Par les temps qui courent, la première est plus facile à remplacer que le second.



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est historien et directeur de la publication de Causeur.

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