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Le gaugaullisme comme mode de survie politique


Le gaugaullisme comme mode de survie politique

On trouve beaucoup d’hypocrisie et d’ignorance, et parfois le mélange dévastateur de la bêtise et de l’arrogance, dans la posture de ceux qui montent au créneau pour critiquer la décision de Sarkozy de réintégrer les structures militaires de l’OTAN.

Que l’extrême gauche soit contre, c’est normal : le PCF, les trotskistes, parents et alliés ont dans leur gènes le réflexe anti-otanien depuis que leurs parents et leur grand-parents se sont fait matraquer dans les rues de Paris en criant « Ridgway la peste ! ».

On sera moins indulgent pour le PS, que l’exigence de pratiquer une opposition résolue et sans concession au pouvoir sarkozyste n’exonère pas de réfléchir à l’avenir militaire et stratégique du pays dont ils souhaitent reprendre la direction au plus vite.

De Bayrou on ne dira rien, sinon que sa haine de Sarkozy lui fait, de temps en temps, retrouver un bégaiement de parole et de pensée, qu’il s’était efforcé, dans ses meilleurs moments, de combattre avec succès.

Mais qu’un quarteron de gaullistes prétendument historiques, emmenés sabre au clair par Dominique de Villepin et cautionnés par le demi-solde Juppé, viennent sonner le tocsin et battre le tambour sur la place publique au nom de l’indépendance nationale relève de la gesticulation politique indécente.

Proposons donc de désigner comme « gaugaullistes » ceux qui invoquent les mânes du général pour stigmatiser le retour de la France dans les structures militaires intégrées de l’OTAN.

M. de Villepin, par exemple, qui confond un discours à l’ONU avec une charge au pont d’Arcole, a-t-il un instant songé que, s’il est facile de se distinguer en choisissant de ne pas faire la guerre, il est moins simple d’aller seul au baroud si on l’estime nécessaire ?

Tout le monde s’accorde aujourd’hui sur un constat : l’idée d’une défense européenne n’est pas plus crédible aujourd’hui qu’elle ne l’était en 1954 au moment du rejet de la CED. L’immense majorité des Etats européens, à l’exception des « neutres » (Suède, Irlande, Suisse) ne voit pas pourquoi on découplerait la défense du continent de celle des Etats-Unis, alors que le modèle otanien s’est révélé parfaitement efficace pour vaincre la plus grave menace pesant sur l’Europe libre dans la deuxième moitié du siècle dernier.

Ni l’Allemagne, ni la Grande-Bretagne, ni, à plus forte raison, les pays de la « nouvelle Europe » ne souhaitent voir les Etats-Unis se désengager de la défense d’un continent dont les capacités militaires totales ne représentent que le quart de celles de Washington. Les dépenses de défense des pays de l’UE ont atteint un niveau historiquement bas et seuls Paris et Londres peuvent mettre sur le tapis quelques éléments militaires à peu près performants en cas de crise, alors que les autres pays sont tout juste capables de faire de la figuration intelligente ou d’assurer un minimum de logistique.

Si l’on veut construire une défense européenne, il faut bien aller là où se trouve l’Europe militaire : à Evere, près de Bruxelles où siège le conseil politique de l’Alliance, et à Mons, siège de l’état-major centre-européen.

Galouzeau, jamais en retard d’un cliché cuistre, appelle cela « passer sous les fourches caudines des Etats-Unis ». D’abord, cher Dominique, nos amis les Romains faisaient passer sous les fourches caudines les ennemis vaincus sur le champ de bataille. Les GI nous auraient-ils mis la pâtée ? Pas que je sache, et j’estime même que sans eux, les choses auraient pu mal tourner dans quelques périodes délicates.

Les plus subtils des argumenteurs anti-OTAN font valoir que notre influence non-militaire (ce que les jargonneurs des milieux diplomatiques appellent le soft power) se trouvera réduite par notre alignement sur le hard power US. Eh bien parlons-en de ce soft power français à la lumière des résultats obtenus du temps des Védrine et Villepin. Le nucléaire iranien ? Les mollahs n’ont cessé de nous balader. Le conflit israélo-arabe ? La « politique arabe de la France » consistant à cajoler Arafat, puis Assad, puis plus Assad, puis de nouveau Assad et de snober les Israéliens nous a tenu hors du coup jusqu’à ce que Sarkozy rééquilibre nos relations dans la région.

L’Afrique ? Hors les petits profits personnels de certains de nos plus éminents hommes politiques dans le cadre de la bonne vieille Françafrique, c’est le hard power français qui obtient les meilleurs résultats pour nos intérêts, en Côte d’Ivoire ou au Tchad, par exemple.

Notre spécificité, la « demande de France » dans le monde dont se gargarisent nos ambassadeurs sont aujourd’hui des pur produits de com’ qui ne résistent pas à la moindre expertise géopolitique sérieuse.

La fin du prétexte Bush à l’expression sans frein d’un anti-américanisme viscéral remet donc nos gaugaullistes à leur vraie place: au cabinet des curiosités de la vie politique française.



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