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Le film utile de Federico Veiroj


Faites vite, car ce film ne demeurera pas longtemps sur nos écrans ! Toutes les apparences sont contre lui : noir et blanc, format « carré » un peu désuet, origine uruguayenne, acteurs inconnus, histoire « cuculturelle », bref, les caractères d’une «toile» ennuyeuse, bien propre à alimenter la conversation d’un intello germanopratin old school, et de sa cousine intellichiante, point vilaine, mais féministe rigide et professeur de technologie à Romorantin, qui ne consentira jamais à abandonner ses collants opaques et ses talons plats pour des bas nylon et des talons aiguilles !

Et pourtant, contre toutes les apparences, c’est un pur moment de bonheur ! N’usons pas du vocabulaire qui fâche : poétique, délicat, sensible… Disons simplement que c’est l’histoire d’un type de haute taille, quelque peu apathique, domicilié chez ses parents, peut-être vierge, qui découvre que sa chère cinémathèque, dont il est le programmateur, n’est guère fréquentée, et qu’une sévère correction budgétaire menace son emploi. Sous l’effet de l’adversité, ce grand dadais accomplit une métamorphose: il comprend que le cinématographe n’est pas tout dans l’existence, que l’amour est au moins aussi important, que la vie est ailleurs que dans une salle obscure, mais qu’il n’y a rien de telle qu’une salle obscure pour éprouver des sentiments à l’égard d’une femme de chair, qui vous est soudain très chère, et qu’une spectatrice assidue est préférable à une actrice, même nue. Bref, La Vida ùtil, de Federico Veiroj, c’est l’aventure palpitante et pleine de rebondissements burlesques d’une manière de colosse mou à lunettes, d’un benêt au teint pâle qui éprouve, une bonne fois pour toutes, le vertige de l’amour !

Les natures mélancoliques y trouveront leur aliment. Les humoristes timides y passeront un joyeux moment. Les imbéciles n’y verront que du feu. Quant à moi, je donne tous les films comiques français de ces deux dernières années pour cette œuvre immensément modeste.



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Né à Paris, il n’est pas pressé d’y mourir, mais se livre tout de même à des repérages dans les cimetières (sa préférence va à Charonne). Feint souvent de comprendre, mais n’en tire aucune conclusion. Par ailleurs éditeur-paquageur, traducteur, auteur, amateur, élémenteur.

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