Nouveau monde de Vincent Cappello se veut un film politique qui prend position en faveur des migrants. Mais le portrait, très réaliste, de deux frères afghans qui, arrivés en France, essaient chacun à sa manière de surmonter le traumatisme qu’ils ont subi, frappe surtout par sa dimension humaine.
Premier long métrage de Vincent Cappello (également scénariste et producteur), Nouveau monde ne renvoie pas à la geste des conquistadors. Mais à la conquête de l’intégration, dans le Paris actuel, par deux frères afghans, Rohid et Mujib, qui à la chute de Kaboul ont réussi à fuir l’enfer taliban où, enfants de la bourgeoisie (leur mère est procureur) ils étaient évidemment menacés. Le film ne dira rien de leur calvaire, mais s’il faut en croire le cinéaste dans le dossier de presse, Rohid et Mujid Rahim ont gagné l’Europe via la Bulgarie où ils ont été emprisonnés pendant trois mois, ont rejoint la Slovénie. Là, tabassés par des Afghans d’une autre ethnie, laissés pour morts, ils ont commencé par passer sept mois à l’hôpital avant de parvenir à atteindre l’Italie, puis la France. Restée au pays avec leurs deux jeunes frères et sœur, leur mère, harcelée par les Talibans, survit désormais en se cachant.
Le cinéaste a connu Rohid et Mujib il y a cinq ans, dans le cadre d’un atelier de théâtre qu’il animait à France Terre d’asile. Ce film de fiction comme pétri dans le documentaire conserve leurs prénoms aux personnages qu’ils incarnent, jouant peu ou prou leur propre rôle. Le comédien « qui monte » (cf. Dheeepan, K contraire, Rue des dames, Suprêmes, et bientôt Stranger et Brûle le sang) Sandor Funtek, 34 ans – mais comment fait-il pour en paraître dix de moins ? – garde également son prénom à l’état civil dans l’emploi que lui donne Vincent Cappello, celui de l’ami aidant qui fournit à Rohid des petits jobs ponctuels sur les locations RBNB dont il s’occupe. Le pudique Rohid, poète à ses heures, aura aussi posé (sans enlever pantalon et teeshirt) pour une femme peintre, contre quelques billets bienvenus…
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On n’est pas obligé de partager les positions politiques de Vincent Cappello. Mais ce qui rend son film intéressant, c’est qu’évitant la posture lacrymale, il n’esquive pas pour autant le tragique de la situation : incertitude quant au sort de la famille abandonnée à la férule d’un Etat islamique rançonnant la mère, à qui Rohid tente d’envoyer le peu d’argent qu’il gagne au noir ; malaise entre les deux frères, le cadet, Mujib, scotché à son smartphone pour s’y livrer à des jeux stupides et incapable de surmonter le traumatisme de l’exil, tandis que l’aîné, concentré sur l’apprentissage du français, fait tout pour satisfaire aux conditions légitimement exigées par les services sociaux afin d’obtenir l’intégration légale à laquelle il aspire…
Dans sa simplicité, sa douceur, Nouveau monde a bon cœur.
Nouveau monde. Film de Vincent Cappello. Avec Rohid Rahim, Sandor Funtek. France, 2023. Durée: 1h15. En salles le 19 juin 2024.
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