Plus que jamais, Cannes a été leur festival, leur scène et leur tribune, jusque sur les marches du palais. En robes longues et décolletées, des actrices oppressées ont donné libre cours à leurs envies d’épuration, de purge et de castration. #MeToo Cinéma est aussi une grande famille…
Ce n’est clairement pas une édition féministe […], mais au moins on a laissé la place à Judith Godrèche pour présenter son court-métrage », explique l’actrice Ariane Labed, présidente de l’association des acteur.ices – on est prié de ne pas rire. « Acteur.ices »… Radieuse ère nouvelle !
Elle poursuit : « C’est sûr qu’on n’a quand même pas des personnes comme Johnny Depp [qui ouvrait l’année dernière le Festival de Cannes dans le film de Maïwenn ; très féministe, ça, citer l’acteur et non la réalisatrice, merci et bravo, madame la présidente !], on ne met pas à l’honneur cette année des gens comme Polanski, on peut s’en réjouir. Donc oui, je pense que ça avance. » Ben dame, mais c’est bien sûr ! Réjouissons-nous ! Moi aussi, de Judith Godrèche, c’est autre chose tout de même que Le Pianiste, Palme d’or en 2002, à l’époque enfin révolue du « système de prédation du cinéma français », selon la formule consacrée. Place à #MeToo cinéma, et à ses (basses) œuvres. Moi aussi : « un des moments forts de cette soixantième édition », selon un journaliste qui commente pieusement la présentation de ce « court-métrage très artistique [sic] et en même temps poignant ». Vous avez compris ? « À mon commandement : Pleurez ! Snif, snif ! Une, deux ! Plus fort ! Encore ! Pleurez en chœur, et en canon, on applaudit bien fort les divas des larmes ! » (Judith Godrèche, Juliette Binoche…) Cannes, c’est fait pour ça, non ?
#MeToo cinéma, navire amiral du mouvement
La victimitude glamour dans tous ses états, donc, forte de l’onction décoloniale – aux côtés de Judith Godrèche, Rokhaya Diallo : précaution indispensable, depuis un petit souci au sein du collectif 50/50, lorsqu’une actrice « racisée » accusa une productrice qui ne l’était pas d’un genre de viol capillaire – raciste, forcément raciste.
Cannes, donc, où subsistent, ose-t-on espérer, quelques films de cinéma (quoique aucun, sûrement, ne puisse rivaliser, quant à son importance « historique », avec Moi aussi).
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Paru dans Le Monde sous le titre « #metoo, on persiste et on signe » le jour de l’ouverture du festival, avec un texte exigeant une « loi intégrale » (bigre !) contre les « violences sexuelles et sexistes », le manifeste photographique initié par Anna Mouglalis (#MeToo cinéma), Anne-Cécile Mailfert (présidente de la Fondation des femmes) et Muriel Reus (#MeToo médias) décline les différentes sections (à ce jour) de #MeToo – un inventaire à la Prévert. Mais incontestablement, depuis les accusations qui entraînèrent la chute du magnat du cinéma Harvey Weinstein en 2017, #MeToo cinéma est le navire amiral du mouvement.
En France, c’est en 2019 que la déflagration se produit, avec le show d’Adèle Haenel sur Mediapart, où l’actrice accusait le réalisateur Christophe Ruggia d’assez vagues abus (« pédocriminels ») commis à son encontre quelques années auparavant. Cela au nom du « peuple intersectionnel » (ah, oui ?) et de la promotion des « nouveaux récits féministes » (en même temps que du pesant film à thèse de Céline Sciamma sur le patriarcat et, paraît-il, mais ce n’était guère convaincant, l’amour lesbien).
Plus c’est gros, plus ça passe
En réalité, c’est Polanski, dont sortait au même moment J’accuse, qui se trouvait visé, par des « révélations » de la photographe Valentine Monnier. La laide au bois dormant avait été, quarante-cinq ans plus tôt (« amnésie traumatique », voilà pour le timing), sauvagement violée figurez-vous, et tabassée (ne mégotons pas, du gore pour exciter le lecteur) par un Polanski-vampire à qui, paraît-il, « elle rappelait quelqu’un » (comprendre : son épouse assassinée). Plus c’est gros, plus ça passe. Plus c’est ignoble et sot, plus retentit « #MeToo, nous voilà ! » (« Victimes, on vous croit ! »)
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Comme toute dictature, #MeToo déteste l’art, sa liberté irréductible ; hait la vérité ; abhorre – et craint – l’humour.
Polanski, c’est tout cela – et de plus, « c’est un juif ! Arrêtez-le ! » (la harpie, dans Le Pianiste) ; « celui qui doit être gazé, c’est Polanski ! » (la rue, Césars 2020).
Revenons à Cannes 2024, démonstration de l’expansion (prévisible) du logiciel #MeToo.
Sainte Godrèche, reine des purges !
Des listes ont circulé, sorties d’on ne sait quels bas-fonds. Rumeurs démenties le jour J par Mediapart. Les officines patentées de l’inquisition #MeToo se parent de vertu. Des listes ! Nous ? Jamais ! ose-t-on soutenir, la main sur le cœur.
En même temps sort dans Elle une « enquête ». Pas du menu fretin. Neuf femmes accusent Alain Sarde (ça tombe bien, on peut aussitôt l’associer à Polanski, ce que ne manquent pas de faire les relais empressés des accusations). De l’information, rien que de l’information, hein ! Des articles « sérieux » (copié-collé les uns des autres, dans Mediapart ou ses sous-traitants, interchangeables désormais). Qui légitiment (et que légitime) l’accusation en bande organisée, orchestrée par les soins d’une milice journalistique remarquablement zélée. Quelques jours plus tard (après un pétard mouillé contre Francis Ford Coppola), c’est au tour d’Édouard Baer – qui ne craint pas le ridicule de s’excuser de faits… qu’il ne reconnaît pas. Un « prédateur » après l’autre, le mal (le mâle) est donc systémique. D’ailleurs les députés, les sénateurs et le gouvernement l’ont compris, au garde-à-vous devant Judith Godrèche, comme saisis d’une pressante diarrhée de mesures, exigées par le Diafoirus femelle (et autres Purgon) de #MeToo : sainte Godrèche, reine des purges. C’est désormais le régime ordinaire. Délation-accusation-purgation jusqu’à ce que mort s’ensuive.
Ils y passeront tous.
#MeToo cinéma – forcément, le « cinéma », ça vous en met plein la vue – montre le chemin.
Le cinéma, jadis, vous fit rêver ? Penser, imaginer ? A ouvert vos yeux et agrandi votre âme ? Son cadavre engendre à présent des dévots rabougris, des justiciers navrants qui applaudissent mécaniquement aux exécutions publiques. Et bientôt – c’est déjà là –, la mise à mort sera celle, moins sexy, de votre père, de votre frère, de votre fils, de votre amant renié. La vôtre, un jour.
Vous réveillerez-vous alors de ce sinistre, stupide, et trop réel cauchemar ?
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