Lorsqu’il ne calcule pas ses « droits à l’intermittence », en tongues sur son yacht en méditerranée, Christian Benedetti travaille dans son théâtre à Alfortville, où il évite de bronzer idiot. Voilà quelques jours qu’il programme une pièce formidable, joyeuse et intelligente, créée et montée par un groupe de jeunes comédiens talentueux : La légende de Bornéo.
La feuille de présentation que l’on nous remet à l’entrée précise le titre : « il y a une légende à Bornéo qui dit que les orangs outans savent parler, mais qu’ils ne le disent pas pour ne pas avoir à travailler ».
C’est donc, on l’aura deviné, un spectacle sur le travail ; mais c’est aussi, et par là-même, un tableau surprenant et émouvant du réel actuel. Je veux dire : le nôtre, le vrai, celui de toute une génération post-post-moderne, post-spectaculaire, et même post-murayienne, qui subit tous les jours, dans une détresse sourde, l’envahissement de ses mondes intimes par les exigences les plus stupides de rationalisation de tout et la disqualification permanente, au nom d’un non moins stupide « principe de réalité » désormais cuisiné à toutes les sauces, de ses plus précieuses réalités sensibles.
L’on pourrait encore ajouter que ces chers comédiens se sont rencontrés autour de l’excellent Franck Vercruyssen du tg STAN, ces immenses comiques belges.
C’est donc un spectacle important et drôle (ce qui revient au même), qu’il faut aller voir au lieu de perdre son temps au Théâtre du Rond-Point devant la crotte narcissico-geignarde du singe savant Stanislas Nordey .
C’est la guerre des orangs outans contre les singes savants. Et cette guerre est à peine commencée…
La Légende de Bornéo, au Théâtre-Studio d’Alfortville, jusqu’au 16 juin 2012
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