Succédant à la redoutable tempête Ciaran, l’arrivée de Domingos sur nos côtes a produit ses ravages. Emoi chez les Français : 126 000 foyers toujours privés d’électricité, calamités agricoles, transports perturbés… Emoi chez les journalistes : malgré tous leurs efforts, pas un titre de presse n’a trouvé un climatologue capable de mettre ces catastrophes météo sur le dos du réchauffement climatique ! Par ailleurs, ce sont surtout les valeurs des démocraties libérales occidentales qui subissent actuellement le plus sévère tsunami.
Nous venons de vivre – et pour certains d’entre nous de subir – une magistrale démonstration de violence. Les coupables, fichés S, comme il se doit, et insensibles aux éventuelles injonctions de quitter notre territoire se nomment Ciaran et Domingos. Fichés S, donc, comme Sacrées tempêtes. Des vents terribles, des vagues monstrueuses, des arbres déracinés, des toitures envolées, des demeures saccagées, des dégâts par millions, de l’insomnie d’assureurs garantie pour des mois et des mois. Surtout, pour beaucoup, des vies de boulot perdues en une bourrasque.
On est peu de choses, mon bon Monsieur…
Voilà pour la violence de dame nature et de ses éléments. Cela ferait presque oublier la force tranquille de ces mêmes éléments, ces marées, ces vagues qui, imperturbablement, grignotent nos littoraux, avalent nos dunes jour après jour, saison après saison. Tout dans la nature, dans l’univers est manifestation de force, parfois charmante comme celle de la primevère qui s’extirpe de la terre encore froide de l’hiver, parfois terrifiante comme l’éruption du volcan qui, entre deux siestes d’un siècle ou deux, se réveille en une furie éruptive quasi-mélenchonienne.
La force. La force moteur de la vie. Végétale, minérale, animale, humaine, physique, mentale. Sans elle l’oriflamme se met en berne, le voilier de l’extrême s’encalmine, le moulin va trop mou et les nuages s’ennuient.
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Principe vital, donc. Voilà ce qu’on a perdu de vue, me semble-t-il. Au fond, nous qui sommes si prompts à lâcher le mot de valeurs, ce mot qu’on met aujourd’hui à toutes les sauces et dont on attend qu’il comble à lui seul les vides culturels, intellectuels, moraux que nous avons creusés, comment avons-nous pu oublier, négliger la vérité d’évidence que la seule valeur authentiquement universelle – nous dirons universaliste pour complaire aux esprits raffinés – n’est autre que celle-là, la force ? La force, non la violence. La violence qui n’est que la force de ceux qui n’en ont pas. La violence qui est à la fois le mode de fonctionnement et la finalité de toute engeance révolutionnaire. Sartre l’a bien montré dans Critique de la Raison Dialectique (Oui, Sartre, Jean-Paul, comme quoi…). Cette engeance se fabrique un ennemi (ennemi à géométrie variable en fonction du contexte du moment) afin de lui imputer ce qui sera l’alibi de sa violence. Aujourd’hui le jeu – terrifiant – consiste à nazifier l’autre, à le fasciser, systématiquement. Dès lors la violence révolutionnaire a beau jeu de se parer des atours de la résistance. (Sur ce point, se reporter à l’aveu obtenu aux forceps de Madame Obono). Tout devient légitime, à commencer par l’horreur. Nous en sommes là. Et nous y sommes parce que nous avons délaissé la leçon de la nature et de l’univers. Tout ce qui existe, tout ce qui résiste se nourrit de force. De force saine, créatrice, de force heureuse, dionysiaque.
Les valeurs de l’Occident dans la tempête
Or, on s’est fourré le doigt dans l’œil bien profond tout ce temps où nous nous sommes égarés à considérer que nos belles et saintes valeurs républicaines de droit de l’homme, de laïcité, de liberté, d’égalité, de fraternité, auxquelles se sont ajoutées voilà peu la splendide convivialité du vivre ensemble et la non moins enthousiasmante sacralité LGBT+++, se suffiraient à elles seules et que la terre entière finirait bien par se rendre à l’évidence que rien n’est plus beau, plus exaltant, plus universellement nécessaire que ces abstractions en elles-mêmes si satisfaisantes et pour le cœur et pour l’esprit.
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Nos valeurs d’Occident, nos valeurs républicaines, démocratiques, bref, n’ont été respectables et respectées que tant que, non seulement, nous les associions à la force mais que, de surcroît, nous nous en faisions une gloire.
J’entendais ces dernières heures, unis dans un bel accord, le philosophe au brushing irréprochable et à la chemise immaculée échancrée jusqu’au nom du fils, et l’ex-président de la République à casque et scooter, recalé en deuxième tentative pour résultats insuffisants, affirmer que nous assistions à la guerre du totalitarisme contre nos émérites démocraties. Là encore, doigt dans l’œil. La réalité est plus simple, et donc plus terrifiante. C’est la guerre de ceux qui assument leur force contre ceux qui l’ont perdue, abandonnée.
Lorsque le sultan Erdogan, devant une foule immense, évoque – sans doute avec une once de nostalgie – le combat du Croissant contre la Croix, ou plus précisément selon certaines traductions, contre les Croisés, il nous donne, lui aussi, mine de rien, une espèce de leçon.
À savoir que des Croisés, c’est bien tout ce qui manque à nos « valeurs ». Et depuis bien trop longtemps maintenant.
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