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Le docteur Véran donnerait-il la chloroquine à ses enfants?

Une tribune du Docteur Alain Destexhe


Le docteur Véran donnerait-il la chloroquine à ses enfants?
Olivier Veran, ministre de la santé © ERIC DESSONS/JDD/SIPA Numéro de reportage: 00952706_000021

Une tribune du Docteur Alain Destexhe


Malgré leur poids considérable et de plus en plus envahissant dans nos vies personnelles, les gouvernements européens, à commencer par celui de la France, n’ont pas été capables de nous protéger de la catastrophe du coronavirus.

Il faudra plus tard en comprendre les raisons. Pourquoi, alors que l’Italie comptait déjà plus d’une centaine de morts, le président Macron nous incitait-il, le 7 mars, à aller au théâtre? Pourquoi, le lendemain, à l’occasion de la Journée internationale de la femme,  le gouvernement de Pedro Sanchez encourageait-il des manifestations gigantesques dans toute l’Espagne (120 000 personnes à Madrid et 50 000 à Barcelone), avec comme conséquence une diffusion massive du virus dans tout le pays ? 

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Il est évident que ces décisions, si elles avaient été prises par des personnes privées, leur vaudraient à coup sûr d’être trainées devant les tribunaux.  Dès le 12 février, presque un mois plus tôt, le Mobile World Congress, qui devait rassembler 100 000 personnes à Barcelone avait été annulé par GSMA, son organisateur privé.

Oui, Raoult procède de façon empirique, faute de mieux

Aujourd’hui, ces mêmes gouvernements, dépassés et incapables de tester plus de quelques milliers de personnes chaque jour, refusent de mettre à la disposition des médecins généralistes, l’hydroxychloroquine, éventuellement en association avec l’azythromycine, deux médicaments pourtant bien connus et largement utilisés dans le monde. 

Il est possible que ces molécules ne soient pas efficaces. Comme tous les médicaments, elles peuvent entrainer des effets secondaires, parfois graves, dont les patients doivent évidemment être avertis. Que le Plaquénil soit contre-indiqué chez certains ne justifie pas la bronca d’une partie d’un corps médical par ailleurs bien dépourvu de remèdes.  

Le professeur Raoult et son équipe  procèdent aussi de façon empirique, faute d’aucun autre traitement. La méthode scientifique « trop complexe pour être discutée sur les plateaux de télévision » selon quelques professeurs, exige des études « en double aveugle » qui peuvent  prendre des semaines voire des mois. Il s’agit de prendre un échantillon assez grand de malades (quelques centaines et au même stade de la maladie) et de comparer les résultats entre ceux qui auraient reçu un médicament spécifique et ceux qui ne l’auraient pas reçu. Et de voir si la différence éventuelle entre les deux groupes est « statistiquement significative ».  Chacun mesure la complexité de telles études. Quand le temps est disponible, cette méthode est parfaite, mais ici il y a urgence.  

Traitement déjà dans le protocole belge

J’ignore si l’hydroxychloroquine (éventuellement en association avec un antibiotique) fonctionne ou pas. Je  sais cependant que, sur la base, de ce que je peux lire, voir (un récent débat sur LCI entre les professeurs Chabrière de Marseille et  Tubiana de Paris) ou entendre (un podcast du 24 mars de la prestigieuse revue médicale JAMA), je n’hésiterais pas à en prendre moi-même, à en donner à mes proches et à en prescrire aux patients qui le souhaiteraient. Et à en prescrire dès la première aggravation des symptômes, dès le début d’une évolution vers une dyspnée, une insuffisance respiratoire.

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En Belgique, le traitement par l’hydrochloroquine fait déjà partie du protocole officiel de traitement de malades  hospitalisés. Bien sûr, en médecine générale, il faudrait pouvoir tester avant de prescrire. Mais ce n’est ni la faute, ni la responsabilité des patients et des médecins si les tests ne sont pas disponibles en nombre suffisant. Ce n’est pas non plus du populisme d’être choqué par ces éminences (Michel Barnier, Franck Riester) qui affichent  leurs résultats positifs sur Twitter alors qu’ils ne sont pas dans les conditions médicales qui permettent au reste de la population d’être testée. 

Les politiques mal placés pour décider à la place des médecins

Que les gouvernements ne veuillent pas prendre position et se réfugient derrière le principe de précaution  (un argument qu’on n’a guère entendu lorsqu’il fallait fermer les frontières pour prévenir la flambée de la pandémie, à l’instar des pays asiatiques) et derrière  les scientifiques (dont certains se sont quand  même beaucoup trompés depuis l’apparition de l’épidémie en Chine), on peut éventuellement le comprendre.  Qu’il soit nécessaire de le réserver en priorité aux patients déjà sous traitement, par exemple contre le lupus érythémateux est une évidence. Mais, alors que le géant pharmaceutique français Sanofi ou d’autres sont capables d’en produire et distribuer massivement des millions de doses, pourquoi le gouvernement français prétend-il en interdire l’accès aux médecins généralistes qui voudraient le prescrire et à leurs patients qui décideraient de le prendre ? De quel droit ces gouvernements qui ont à ce point failli à éviter la propagation du virus prétendent-ils désormais nous empêcher de nous protéger nous-mêmes ? Et que ferait le docteur Véran, si ses enfants étaient atteints et que leur maladie évoluait vers une forme grave ?



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Sénateur honoraire belge, ex-secrétaire général de Médecins sans frontières, ex-président de l’International Crisis Group

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